Témoignage d'un débaptisé

Dénonciation calomnieuse et erreur judiciaire

Un matin, alors que nous sortions en récréation je vis deux élèves de ma classe (de CP ou SE ?) se précipiter vers la maîtresse et lui adresser la parole avec véhémence. J’ai noté ce détail après coup !

Telles Jehanne la Bonne Lorraine, elles avaient sans doute entendu un appel surnaturel, car la maîtresse s’est alors adressée à moi en me parlant sévèrement, et me rapportant que les deux mignonnes lui avaient déclaré m’avoir entendu prononcer les « cinq lettres » ! Horreur !

Évidemment je me défendis comme un beau diable (attitude imprudente dans un établissement confessionnel). Je fus donc accusé au surplus de mensonge, deux témoignages accablants anéantissant ma piètre défense.

Or, cette accusation était absolument fausse, étant donné qu’à cette époque, je faisais, comme je pense beaucoup d’enfants au même âge, une crise de pudeur et de politesse excessive.

Témoin cette chanson de Georges Brassens qui a vécu sans doute le même phénomène :

Le Pornographe du Phonographe (1958 Philips).
Lorsque j’étais petit marmot,
J’avais la phobie des gros mots
Et si j’pensais merde tout bas,
Je ne le disais pas,
Mais……, maintenant que mon gagne pain
C’est d’parler comme un turlupin,
Je ne pense plus merde, pardi,
Mais je le dis.

Bien sûr, il m’est arrivé depuis de parler comme un turlupin, mais à cette époque, on m’aurait fait rentrer dans un trou de souris plutôt que de me faire prononcer quelque épithète malsonnante.

Menteur, malpoli, deux motifs de punition, à genoux sur un banc, les bras croisés, le temps de la récréation, sous réserve d’aggravation après rapport à la directrice.

J’étais évidemment furieux et honteux, humilié. Je me suis alors souvenu des leçons d’instruction religieuse, où l’on nous apprenait que, lorsque l’on avait un souhait honorable à faire, adresser au « ciel » de ferventes prières, demander un miracle, permettait d’être exhaussé.

Je me concentrais alors dans une fervente prière, une profonde méditation, implorant le ciel de me rendre simplement justice, et que l’on reconnaisse la fausseté de cette accusation.

De profundis, clamavi ad te, Domine exaudi vocem meam !

Et encore plus pathétique :

Eli, Eli, lama sabachtani !

Enfin, la même chose en français…

J’espérais de tout mon coeur qu’à la fin de la récréation la maîtresse, (à défaut d’un ange à l’épée flamboyante) touchée par la grâce et l’esprit divin viendrait me demander pardon pour m’avoir puni et confondrait les délatrices.

Hélas, il ne s’est rien passé de tout ça, j’ai simplement renforcé ma réputation de petit raisonneur, ayant aggravé mon cas en me révélant menteur et mal élevé. J’avais bien sûr naïvement surestimé les possibilités d’une intervention surnaturelle. Ça n’arrive pas tous les jours et à n’importe qui, ce genre de miracle, il faut avoir des dispositions !

Ma croyance dans les miracles et les interventions divines fut fortement ébranlée et par la suite, on me raconta en vain toutes sortes de récits merveilleux d’apparitions, de guérisons miraculeuses et autres prodiges, je ne sentais plus concerné, je n’y ajoutais plus beaucoup foi. Quant à ma foi, elle-même, elle avait été une fois encore rudement mise à mal et après une longue évolution ne s’en releva jamais.

Jean-Jacques Bonnin
Angoulême
12 mai 2016

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