Dieu est-il bon? Deuxième partie

Dieu est-il bon avec les vivants ?

Marcel Délèze

Texte paru dans la Tribune des Athées 2023/2

Dieu est-il bon avec les vivants ?

Suite de l’article Quel dieu ? paru dans le numéro précédent.

Lorsqu'un être humain est frappé par un malheur, est-ce une punition divine ? Dieu cherche-t-il à tester sa foi ? Lui attribue-t-il une souffrance rédemptrice ? Lui fait-il subir les conséquences du péché originel ?

Naître dans un camp de réfugiés est une punition, mais quelle est la faute ? Sans rapport avec leurs mérites, certaines personnes sont condamnées à des souffrances dont la seule limite est la mort. Il arrive ainsi que l'enfer terrestre précède des péchés futurs, hypothétiques, et probablement imaginaires. Faudrait-il accepter ces épreuves comme étant la conséquence du péché d'Adam et Ève, un châtiment juste et mesuré ? L'idée d'un Dieu paradoxal qui joue aux dés, par exemple pour distribuer jusqu'aux enfants des maladies cruelles, invalidantes ou mortelles, heurte le bon sens.

À propos du séisme de Lisbonne de 1755, Voltaire écrivit :

Cent milles infortunés que la terre dévore
Qui, sanglants, déchirés et palpitants encore
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours
Aux cris demi formés de leur voix expirantes
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes
Direz-vous ce sont là les salutaires lois
D'un être bienfaisant qui fit tout par son choix ?

Les hécatombes se succèdent dans une surenchère sans fin : le tsunami du 26 décembre 2004 dans l'océan Indien a fait plus de 250'000 morts; le tremblement de terre du 12 janvier 2010 dévaste Port-au-Prince, en Haïti, et tue 300'000 personnes. Si «pour Dieu, rien n'est impossible», on peut parier que le record sera battu.

Certains y voient des châtiments divins qui ne frappent que des pécheurs ayant mérité leur sort, tandis que d'autres, dans leur volonté irraisonnée d'y voir de l'amour, vont jusqu'à prétendre que le Seigneur met plus rudement à l’épreuve ceux qu'Il aime le plus !

Lorsque tout va bien, il est rassurant de penser que Quelqu'un gère. Mais, que survienne un malheur, la frustration exige un coupable. Puisque ce ne peut être Dieu qui suit des plans obscurs, c'est nous les coupables. Et là, la religion se régale !

C'est ainsi que Jean d'Isieu, dans Signé Catherine paru en 1960, met les paroles suivantes dans la bouche d'un prêtre qui s'adresse à une jeune fille définitivement clouée dans une chaise roulante :

« Comme une bonne sœur dans son couvent, Catherine, tu es là dans ton fauteuil. C'est le cloître que le Seigneur t'a choisi Lui-même. »

Pour répartir les responsabilités, raconter une fable ne suffit pas. Le malheur frappe les hommes chaque jour, et la religion célèbre l'amour divin. Les actes sont assurément divins, alors que la parole n'est que discutable. Pour être crédible, une théorie explicative ne doit pas être démentie par les faits observés. Ce qui est apparent est injuste, mais le croyant imagine que Dieu apporte les corrections nécessaires dans l'invisible. Bref, il faudrait croire le contraire de ce que l'on voit.

Pour punir par amour, il faut présenter des justifications convaincantes, et la diversité des religions montre que l'information a été insuffisante. Si, d'une part, l'arbitraire du Tout-Puissant n'accorde aucune protection ni aucun droit aux plus faibles et, d'autre part, la doctrine religieuse nous interdit de Lui attribuer de l'indifférence, alors la religion nous donne du Ciel une représentation tellement contradictoire et aberrante qu'elle ne peut être qu'erronée. C'est une pensée inconsistante et immature que de croire en un Dieu plein de bonté, mais qui ne respecte pas les Droits humains. Qu'est-ce qui prime : la «vérité» de la doctrine ou la véracité des faits ?

Les conceptions polythéistes de l'Antiquité étaient en meilleur accord avec l'expérience quotidienne : les dieux de l'Olympe étaient capricieux et distribuaient bienfaits et malheurs selon leurs humeurs changeantes ; en traduisant dans un vocabulaire plus actuel, nous dirions « au gré du hasard des lois naturelles ».

On prétend que la foi est un soutien dans les difficultés de la vie, mais j'ai souvent observé le contraire : lorsqu'un deuil ou une maladie survient, le croyant peut se révolter contre ce qu'il ressent être une injustice, tandis que le non croyant manifeste une meilleure acceptation des lois naturelles.

Lorsque des parents ayant vécu le plus saintement possible perdent un enfant, ils se demandent « Pourquoi est-ce précisément à nous que cela arrive ? Qu'avons-nous fait au bon Dieu pour mériter cela ? ». La croyance en un Créateur génère le problème artificiel des sautes d'humeurs divines, parfois hostiles.

Au contraire, dans une vision non religieuse, les événements ne sont pas le fruit de la volonté d'un démiurge et n'obéissent à aucun plan. La question du pourquoi est objectivement sans objet et se réduit à exprimer un malaise. Il me paraît moins dramatique de simplement penser « Je n'ai pas eu de chance. Mais le hasard n'ayant ni intention, ni mémoire, je n'étais pas personnellement visé. Aucun mauvais esprit ne me poursuit, comme aucun ange ne me protège. L'homme n'est pas poursuivi par la malédiction du péché originel. L'avenir n'étant ni prédéterminé, ni écrit, tout reste ouvert, y compris le bonheur. »

Dans une attitude plus constructive encore, on peut se demander « Comment surmonter cette difficulté ? Quels objectifs viser ? », ce qui interroge, non le sens que la vie a, mais le sens que je désire donner à ma vie. Ce serait une occasion de grandir et de se comporter en adulte responsable.

Dans la catégorie « Qui aime bien châtie bien », l'Église a bien compris le message céleste. C'est ainsi que Jeanne d'Arc a été jugée par un évêque, condamnée pour hérésie et brûlée vive, puis, 25 ans plus tard, innocentée et réhabilitée, et finalement canonisée au XXe siècle. La souffrance accordée est signe d'amour puisqu'elle est rédemptrice.

Suite dans le prochain numéro : «Dieu sera-t-il bon avec les morts ?».

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