Se libérer de l'emprise de la religion

Extrait du livre :

Marcel Délèze
Résister à l'endoctrinement religieux
Essai

Puisque la vérité est souvent déplaisante et que la religion consiste à aimer la fiction, l’objectif est d’apprendre à aimer la vérité et à détester les contes de fées religieux. Celui qui a adopté la religion comme une protection contre la dureté de la vie doit envisager une autre attitude. D’une part, il faut se mettre à l’écoute des sciences et apprécier les résultats obtenus. Mais cela ne suffit pas, car il faut encore déployer le rationalisme et l’épistémologie, ce qui est nettement plus difficile. D’autre part, l’image des religions étant largement surévaluée, il faut faire preuve d’esprit critique pour en repérer les aspects détestables et faire résonner les dissonances cognitives.

Lorsqu'un croyant s'éloigne de la religion, il peut ressentir des sentiments négatifs comme la culpabilité ou la honte.

Surmonter les résistances psychiques et sociales

Les religions attisent malignement les sentiments générateurs de tensions intérieures, comme le péché et la faute. En vertu du péché originel, le judéo-chrétien, victime d'une malédiction, naît puni, pécheur, potentiellement coupable, et doit se racheter. Pour affronter les dangers, même imaginaires tels que l'Enfer, une protection surnaturelle, comme celle des sacrements, est réputée nécessaire. Sous le poids de telles intimidations, il ne reste plus qu'à prier, à battre sa coulpe et à expier. Celui qui succombe au sentiment de culpabilité est piégé : il devra accomplir des actes ritualisés pour alléger l'anxiété et suivre des préceptes censés amadouer les divinités. L'homme a une propension maladive à s'angoisser inutilement et à se torturer lui-même. Il n'est pas commode de cesser de croire, car c'est admettre que notre vie, jusqu'à présent, s'est laissé guider par des mirages.

Celui qui s'éloigne de la religion doit généralement faire face à des difficultés d'ordre psychologique et social. Il est difficile d'abandonner toute pratique religieuse, car c'est adresser un message de distanciation à toutes les personnes qui l'ont encouragée. Comment réussir l'abandon de la foi en surmontant les sentiments négatifs tels que la culpabilité ou la honte ? Comment échapper à la religion des proches et affronter le regard des autres ?

Pour dissoudre les liens affectifs avec la religion, combattre les croyances proprement dites ne suffit pas. La vérité religieuse étant communautaire, il faut encore se distancier des proches qui exercent une pression sociale. Il faut apprendre à dire « Non, je ne participe pas aux cérémonies religieuses », « Non, je ne crois pas aux fables religieuses », « N’inverse pas les rôles : c’est au croyant d’expliquer pourquoi il croit », « J’ai droit à ma liberté de conscience », « Non, ça ne veux pas dire que j’ai renoncé à la morale », etc. Cela peut s’avérer difficile et pénible, mais, pour ne pas rester sous l’emprise sociale de l’Église, il est nécessaire d’affirmer vouloir quitter le troupeau.

Le cheminement vers la cohérence est une quête de l'unité intérieure

On ne peut plus, comme autrefois, demander à la société d'être cohérente puisqu'elle a le devoir de respecter les libertés individuelles. Aujourd'hui, dans un environnement pluraliste, le discours dominant est que les enseignements fondés sur une tradition sont tous respectables. Par exemple, les parents, l'école ou l'Église enseignent sans broncher que

  • la genèse selon la Bible et la théorie de l'évolution sont toutes les deux « vraies », à leurs manières respectives ;
  • la promesse du Paradis ressemble au cadeau d’un Père Noël pour adultes ;
  • Dieu est bon, mais l'humanité est accablée de malheurs ;
  • après l'apparition de l'homme (homo sapiens), Dieu a attendu 300'000 ans environ avant d'apporter la Révélation ; avec un tel temps de réaction, Il n'aurait jamais pu obtenir le moindre brevet de sauveteur ;
  • la Bible étant pleine d'obscurités et de contradictions, on peut lui faire dire ce que l'on veut ;
  • l'Église est sainte, mais son histoire montre le mauvais exemple ;
  • on vous ordonne de croire à des miracles tels que la résurrection du Christ, et même à des miracles à répétition et sur commande comme la transsubstantiation de l'Eucharistie ;
  • il faut admettre l'infaillibilité pontificale, avec toute l'obéissance qu'elle implique ;
  • la prière offre une protection effective contre le malheur, ce qui ne correspond pas aux faits observés : la prière se heurte à l'expérience quotidienne du silence de Dieu ; que l'on prie ou que l'on ne prie pas ne produit aucune différence dépassant les effets du hasard ;
  • la cause de toutes les souffrances est le péché d'Adam et Ève ; pour croire qu'il ne s'agit pas d'un mythe mais d'une explication crédible, il faut une dose de naïveté incompatible avec le bon sens ;
  • regretter sincèrement ses péchés et demander pardon à Dieu ne suffit pas : il faut encore se confesser à un prêtre catholique et obtenir l'absolution ; l'Église s'est établie en intermédiaire incontournable et indispensable ;
  • notre seul bien - la vie que nous vivons - n'a pas de valeur au regard de celle d'après la mort ;
  • et des dizaines d'autres incohérences, contradictions, affirmations infondées, croyances invraisemblables et superstitions insensées.

Puisque notre réservoir culturel n'est qu'un fatras déstructuré, les individus ne peuvent plus s'en servir comme squelette mental sans procéder à un sévère tri sélectif. Ce qui est acceptable pour la société - qui doit éviter de blesser ses membres - ne l'est plus du tout pour l'individu qui doit assurer son unité. Pour quelqu'un qui ne veut pas renoncer à l'exercice de sa jugeote, l'épreuve est insupportable. Une vision en morceaux éparpillés, faute d'un crédit suffisant, ne permet pas d'asseoir la confiance dans l'avenir. Il est impératif de se construire une vision cohérente du monde. Alors que les promesses des charlatans peuvent être invalidées par l'absence des résultats attendus, celles des prédicateurs religieux sont absolument invérifiables. Lorsque la pensée est corrompue par l'inconsistance, les sentiments sont déstabilisés par l'insécurité. Ne pouvant s'identifier à une culture aux composants disparates, toute personne qui se prétend pensante est astreinte à faire le ménage afin d’échapper au malaise et d’établir une nécessaire cohérence.

Devant l'ampleur de la tâche, beaucoup capitulent : la tradition remplace la réflexion, et la magie des esprits célestes se substitue aux lois de la nature. Les inconditionnels de la tradition peuvent justifier l'excision ou la charia. Au lieu de se bâtir une philosophie personnelle selon leur conscience, trop de gens se laissent dicter leur conduite et modeler leur conscience. Voir des milliards d'êtres humains passer leur vie à ranger leurs idées dans des tiroirs dont les cloisons sont protégées par des tabous, voilà une image représentative du non-sens généralisé, ainsi que de l'absurdité promue au rang de dogme.

Dans l'échelle des valeurs, le besoin de cohérence se situe bien au-dessus du désir de plaire et du besoin de merveilleux. Le sentiment que la vie a un sens découle de l’harmonie entre les pensées, les émotions et les actions. C’est pourquoi la cohérence intérieure donne du sens. Elle s'inscrit dans un projet plus général de développement personnel qui soutient le processus amenant un être humain à sa pleine maturité. L'établissement de la cohérence est une tâche que chacun doit accomplir pour éviter le mal-être, voire pour ne pas sombrer dans un trouble dissociatif de l'identité. La religion a souvent un rôle perturbateur, surtout chez les esprits qui se posent des questions. Il faut extirper de l'intérieur de soi ce qui est discordant. Chacun doit trouver lui-même son équilibre, car nous manquons de psychologues formés en désintoxication religieuse. Les êtres humains sont tous tenus de le faire, mais la plupart bâclent l'opération ou s'en remettent à l'autorité religieuse la plus proche qui remplace les contradictions par des mystères et la confiance en Dieu. La communauté des croyants fait pression pour empêcher toute remise en question. Toutes les données sont pourtant disponibles et, pour la plupart, largement connues, mais rares sont ceux qui en tirent les conséquences. La seule chose qui manque est la faculté de passer par dessus l'endoctrinement reçu pour conclure avec lucidité, c'est-à-dire faire primer les arguments sur l'attachement à la foi.

Nous ne choisissons pas la cage culturelle qui emprisonne notre conscience, mais beaucoup choisissent d'y demeurer et se contentent de rallonger un peu les chaînes. Le croyant n'imagine même pas qu'il puisse choisir sa voie puisque le chemin est donné et qu'il a le devoir de le suivre. Pour se libérer véritablement de l'emprise de la religion, il faut se donner le droit de penser par soi-même, c'est-à-dire ne plus se sentir moralement obligé de s'aligner sur une doctrine prétendument vraie. La question du sens de la vie est trop importante pour confier à une autorité discutable le soin de décider ce qu'il convient de croire. L'idée que la vie pourrait avoir un sens, le même pour tous - en l'occurrence dicté par le Vatican - est cauchemardesque. Elle obligerait les croyants à suivre ce sens dans la soumission et l'obéissance, à être réduits en otages de la tribu des Agenouillés qui promet le bonheur sous conditions dans un autre monde et distribue généreusement force péchés à culpabilisation immédiate. Les systèmes idéologiques ayant de la peine à réfréner leurs tendances hégémoniques et totalitaires, une des missions de la philosophie devrait être de poser un cadre à l'exercice de la liberté individuelle où chacun peut définir le sens de sa vie qui est une affaire personnelle. La « révélation » se trouve au fond de soi et s'exprime par un projet de vie. L'ouverture au pluralisme et à la diversité est une vertu nécessaire. Les libertés individuelles peuvent partiellement se conjuguer et, via la démocratie, devenir volontés populaires.

La levée des conflits intérieurs est un impératif d'hygiène mentale qui nécessite de se débarrasser des éléments dissonants. Elle est un processus de désencombrement, d'allégement, de dépouillement et d'épuration. Plutôt qu'une foi aux racines infantiles, il est préférable d'accepter avec humilité notre état d'ignorance. Puisqu'il ne servirait à rien de s'extraire d'une religion pour retomber dans une autre, c'est en développant une vision philosophique personnelle que l'on peut chasser les croyances héritées. Le renoncement implique la dissolution des liens affectifs d'avec toutes les formes d'ésotérisme, y compris religieuses, et le dépassement de tous les tabous y relatifs. Afin de marquer la difficulté de se libérer des superstitions, on peut détourner le message biblique :

«Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et n'y parviendront pas.»
Lc 13-24

Dans notre contexte, ce verset prend un sens nouveau : il est difficile de trouver la porte de sortie d’une communauté religieuse et d’entrer en résistance. L’adhésion avait été plus facile. Par contre, parler d'un effort surhumain à accomplir serait mal à propos puisqu'il s'agit de quitter une position inconfortable, voire douloureuse. Il se trouve face à la tâche de déconstruire une gigantesque doctrine, puis de reconstruire une philosophie minimale à l'intérieur de laquelle des projets personnels peuvent trouver place et faire sens.

La majorité des idéologies, les religions comme le communisme soviétique, font appel aux mêmes arguments : la vraie vie n'est pas ici maintenant, mais dans un avenir radieux ; il faut sacrifier le présent à un mythique bonheur futur. C'est au nom des lendemains qui chantent qu'ont été justifiés aussi bien l'Inquisition que les goulags. L'indignation sélective n'exprime pas une aspiration à la justice, mais un esprit partisan, sans souci de cohérence. Plutôt que de placer notre confiance dans un mythe, confions notre opinion au jugement de l'histoire qui montre que la religion ne peut pas servir de boussole et qu'elle ne protège pas des dérives. Au contraire, la vraie vie est ici maintenant, et le bonheur doit être recherché ici maintenant. Apprenons à déguster le précieux temps présent qui coule en nous au lieu de nous imbiber d'utopies. Celui qui, pour justifier ses actes, renonce à faire appel à la volonté de Dieu ou au sens de l'Histoire - mieux nommés idéologie religieuse, respectivement utopie historique - renforce sa responsabilité personnelle face à ses enfants et à l'humanité.

L'idée d'un Horloger suprême trahit une conception déterministe des sciences, aujourd'hui dépassée. Le croyant, dans son incapacité de croire au monde qui ne serait pas augmenté de merveilleux, demeure insensible à la suffisante profondeur de la nature. Tout ce qui, par le mythe, est ajouté à la naïveté, est soustrait du réel et appauvrit la compréhension rationnelle de l'univers. Faire appel à des superstitions est une sorte de déni du réel qui ne fait qu'ajouter des problèmes à nos lacunes, car les contradictions apportent plus de souffrances que l'ignorance. Enrichir et embellir sa vie par des croyances religieuses, voilà une illusion qui ne pourra que se dégonfler en présentant des inconvénients rédhibitoires. Nos ancêtres l'ont fait, mais ça n’a pas été une réussite. Il n'est pas avéré que le succès des déploiements missionnaires de la colonisation ait produit moins de dégâts que l'échec des croisades. Les idéologies religieuses ont une trop forte propension au totalitarisme. La Vérité absolue étant folie, la sagesse se trouve dans le dénuement doctrinal. On peut tuer au nom d'une religion qui fait mousser les sentiments identitaires, mais certainement pas au nom d'un refus raisonné de s'impliquer dans une religion. Comme défouloir du sentiment d'identité, la culture au sens large est un domaine plus approprié. Selon le principe de parcimonie, la raison nous demande de n'adopter qu'un ensemble minimal de règles nécessaires. Croire le moins possible est un objectif qui présente un double aspect : personnel et pacifique. La spiritualité se doit de viser le détachement des dépendances dont la nécessité n'est pas avérée, en particulier l'extinction du désir de croire. L'harmonie ne se développe pas à partir du désir, mais de la cohérence.

Il faut construire de nouvelles références et reconnaître que les sciences sont génératrices de culture. L'épistémologie des sciences peut jouer un rôle décisif. On peut aussi s’appuyer sur la confiance en la raison et la confiance en soi.

Plusieurs voies s'offrent à celui qui s'éloigne de la foi

La religion étant une manière inappropriée de répondre à la peur diffuse de l'avenir, il faut, pour dépasser ce qui est ressenti comme un besoin, acquérir une certaine confiance face au futur. Une étape incontournable du cheminement consiste à affronter honnêtement la manière de surmonter la peur de la mort. Cette phase dans l'évolution des dispositions mentales tient un rôle fondateur. Il s'agit moins de dire oui à la mort que de dire oui à la vie qui précède la mort, tout une vie dont il faut accompagner l'épanouissement.

Le cheminement vers l'unité intérieure doit être balisé, sinon il pourrait déboucher sur une position radicale ou extrême, c'est-à-dire dangereuse pour autrui. Avant de s'y lancer, il faut poser des garde-fous, se fixer une limite infranchissable : le respect des droits humains. Il s'agit du respect des personnes, sans exception. Par contre, les idéologies et les religions peuvent toutes être remises en cause.

Celui qui a été endoctriné doit préalablement se désendoctriner. Il est bien connu que les arguments rationnels n'ont que peu d'effet sur les croyants. Il s'ensuit que, pour s'éloigner de la foi, il faut commencer par identifier les attaches affectives et travailler à les affaiblir. La raison ne peut prendre le gouvernail que lorsque les émotions et les sentiments ont été calmés. Une démarche personnelle peut plus facilement aboutir si elle peut se réaliser dans le cadre d'un discours cohérent. Il faut cesser d'accepter sans discuter la propagande selon laquelle la religion est bonne et apporte le Salut. Pour ce faire, deux outils sont à privilégier : l'analyse critique de la religion et l'étude du comportement de la communauté religieuse, sans complaisance. La raison impose un cadre rigide, mais large. Ce n'est pas celui d'un carcan, mais celui de la porte de la liberté.

Voici quatre voies :

  1. L'indifférence religieuse
    Il ne faut pas perdre son temps avec des questions auxquelles personne ne peut répondre. Il vaut mieux chasser de notre esprit les préoccupations vaines et stériles. L'indifférence religieuse est une attitude idéale. Malheureusement, celui qui a subi un fort endoctrinement se sent irrémédiablement ramené à l’enseignement reçu et peut être incapable de se détacher de la religion. La situation devrait être plus facile pour celui qui n'a été que peu endoctriné. La voie de l’indifférence ne doit pas être si aisée, car beaucoup de personnes se prétendent indifférentes mais, contre toute logique, demeurent membres d'une Église.
  2. L'agnosticisme
    Dieu étant, pour l'agnostique, un être éventuel dont on ignore tout, qu'il puisse nous juger est une hypothèse non exclue. L'agnostique doit se convaincre qu'on ne peut pas tenir compte d'hypothèses multiples et contradictoires. Un tel jeu de devinettes ne peut pas engager sa responsabilité. Le rasoir d’Ockham doit être mis en œuvre. Mais, pour intérioriser cette posture, une maturation, souvent longue, est nécessaire. C’est pourquoi l’attitude de beaucoup d’agnostiques se situe dans la mouvance de celle des croyants.
  3. L'athéisme
    • Rien n'est surnaturel, tout est naturel. Il n'y a jamais eu ni résurrection, ni miracle. S'imaginer immortel n'est-il pas un déni de réalité et un renoncement à la sagesse ? Celui qui croit fermement que sa conscience individuelle ne lui survivra pas n'a pas à se préoccuper de Dieu.
    • Le Juge divin n'est rien d'autre qu'une représentation mentale de notre capacité de nous juger nous-même. En accédant à l’athéisme, l'inquiétude du jugement de Dieu et le sentiment diffus de culpabilité disparaissent. Il suffit de rester cohérent pour être en paix, car celui qui est en règle avec lui-même perçoit une harmonie qui procure du bien-être.
    • Bien sûr, décréter l’athéisme ne suffit pas puisqu'il s'agit d'un cheminement spirituel laïque à accomplir. C'est plus facile pour qui a bien assimilé l'état d'esprit dans lequel les sciences sont pratiquées. Vu les deuils à faire, il ne faut pas compter sur une illumination qui rendrait instantanément athée. Par contre, on peut décider un jour de le devenir, et travailler ensuite à atteindre l'objectif.
    • L’apparent désespoir que les croyants voient dans l'athéisme peut être dépassé, à la manière dont l'homme accepte facilement que les pierres sont dures : il peut en tirer avantage, par exemple pour construire des édifices, certes plus petits, mais beaucoup plus solides. Ainsi en est-il du monisme parcimonieux.
  4. Une religion en basse intensité
    En prenant place dans la vaste zone multiforme située entre ceux qui suivent rigoureusement une religion et ceux qui vivent résolument hors de toute religion, on peut se contenter de réduire le sentiment de culpabilité, et de supporter, cahin-caha, la partie restante. C'est la voie la plus fréquemment empruntée, la plus élastique, celle qui implique le moins de remise en cause, donc la plus facile.

Cette liste n'a pas la prétention d'être exhaustive. Il faut moins y voir des réponses toutes faites qu'un état d'esprit qui pourrait peut-être permettre à certains de tracer leur propre voie. Tous ces cheminements peuvent être considérés comme des méthodes de développement personnel aboutissant à un état de bien-être, ou tout au moins de mieux-être.

Comment se débarrasser des sentiments négatifs

L'être humain est traversé par des sentiments contradictoires qui compliquent la situation en venant se présenter tour à tour. Afin de réduire les tensions intérieures et de disposer d'une boussole, une démarche rationnelle doit sélectionner les sentiments les plus pertinents et les sculpter.

Pour qui a été fortement endoctriné, extirper la religion de son esprit est une vraie galère. Il faut surmonter de nombreux scrupules, des obstacles moraux, sociaux, théologiques et philosophiques. Dans le cheminement vers le lâcher prise, une allergie viscérale aux contradictions est très stimulante. L’esprit critique appliqué chaque thème précédemment abordé nous a conduit à une conclusion invariablement identique : la religion ne tient pas la route.

Si nous étions nés dans une autre famille, nos croyances auraient été différentes : orthodoxes, juifs, musulmans, bouddhistes, hindouistes... En conséquence, chacun de nous a hérité d'une religion arbitraire, endossée par hasard, ce qui nous libère de l’obligation de la reprendre à notre compte. La conscience étant une affaire individuelle, nous ne sommes nullement tenus par un devoir de loyauté transgénérationnel. L'aspiration à être épanoui prévaut sur l'aspect religieux du conformisme social. Ceux qui portent un regard hostile sur nos opinions ne respectent pas notre liberté individuelle ; il ne nous appartient donc pas de porter le poids de la culpabilité pour une faute qui leur revient.

La culpabilité de trahir la communauté d’origine ne doit pas nous affecter. S'il s'agit de la peur d'être rejeté, honte à eux. On peut même éprouver une sorte de pitié pour les personnes dont l'esprit a été emprisonné par l'endoctrinement qu'elles ont subi et ressentir de la compassion de les voir se débattre avec certains conflits de conscience imaginaires, mais réels pour eux. Tant que leur foi ne leur cause pas trop de souffrances, évitons les confrontations génératrices de conflits. C'est une manière de les respecter, malgré que beaucoup d'entre eux n'ont pas ménagé leurs efforts missionnaires.

La honte d'avoir trop longtemps accepté une doctrine aberrante ne doit pas nous affecter. Au contraire, celui qui résiste à un endoctrinement massif peut être fier, car il manifeste ainsi de la résilience.

Se libérer de l’emprise de la religion
Comment se désendoctriner

À un certain moment, on estime que la coupe est pleine, que ça suffit, qu'il est temps de réagir, qu'il faut sortir de là. Celui qui a pris conscience d'être tombé dans un piège trouve l'énergie nécessaire de vouloir s'en sortir. Il faut donc entreprendre un rétropédalage, refaire à l'envers le chemin jusqu'à parvenir à un carrefour qui offre une échappatoire.

La réaction qui s'ensuit dépend du passé de chacun. Dans le cas où la décision d'effectuer la marche arrière s'appuie sur du ressentiment, le mouvement de recul sera plus intense. Pour les athées qui ont vécu une expérience religieuse qui s'est mal terminée, il ne s'agit ni d'ignorance, ni d'indifférence, ni d'incompréhension, mais de déception, de refus et de rejet de la religion.

Dans tous les cas, il s'agit d'entrer dans un processus de désendoctrinement. Le souci de croire bien doit laisser place au désir de croire moins. On se fait implicitement une liste des choses auxquelles on n'est pas disposé à renoncer. Selon les personnes, cela peut être : l'existence de Dieu, Dieu est bon, la Providence, les dix commandements, la vie éternelle, le paradis, la protection d'un ange gardien, le réconfort d'une communauté, l'effet protecteur de la prière, les cantiques de Bach, l'odeur de l'encens, le goût des cérémonies religieuses, une relation personnelle avec un guide spirituel, des souvenirs d'enfance, et bien d'autres choses encore. Là, il est nécessaire de prendre conscience que, plus la liste est longue, plus il sera difficile de trouver une voie de sortie. C’est pourquoi il faut s’en tenir à une liste très courte, par exemple ne contenant qu’une seule rubrique : le respect des droits humains. Alors que « le croyant en voie de moindre croyance » doit ménager ses attaches affectives, l'athée se caractérise par sa capacité à voyager léger. C'est précisément cette sorte de libération que doit viser celui qui désire se distancier de la religion.

L'intensité de l'attachement est un curseur sur lequel il est nécessaire d'agir, sans quoi on va rester sur place. Amorcer un processus de dissolution des attaches est donc indispensable, mais le résultat n'est habituellement que partiel. Chacun fait ce qu'il peut, compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve. Il est sidérant de voir comment les croyants peuvent accepter, sans manifester la moindre ombre d'esprit critique, comme anesthésiés, la multitude d'absurdités dont les abreuvent leurs pasteurs. Il serait malséant de répondre à une homélie qui se reçoit comme une injonction morale. La capacité de se distancier de la religion peut être considérée comme un test sur le thème : « Dans quelle mesure suis-je capable d'esprit critique ? »

Les moyens mis en œuvre dépendent de la culture du sujet. Si quelqu'un a été endoctriné en mettant la Bible au centre, il lui faudra prendre de la distance d'avec la Bible, repérer les contradictions, voir que la Bible permet de soutenir n'importe quelle thèse selon les extraits que l'on veut bien mettre en évidence, prendre conscience que l'interprétation reçue nécessite d'accepter l'autorité à laquelle on a le devoir d'obéir, que cette autorité est discutable, etc. Si l'endoctrinement a plutôt porté sur le devoir de soumission à l'autorité de l'Église ou sur la philosophie catholique, le présent livre donne quelques outils de défense que l'on peut opposer. Laissons ouvertes d'autres configurations dont les variations sont infinies.

La conclusion intermédiaire est que le chemin vers la sortie est nécessairement personnel.

Il ne serait pas réaliste de faire de l'expression « en finir avec la religion » un programme de société, car trop de gens se complaisent dans le surnaturel. Pour beaucoup, le christianisme est réduit à une religiosité vague n'ayant que peu de rapport avec l'enseignement officiel. La majorité de ceux qui s'éloignent de la religion se bricolent une religion personnelle. Ils ne désirent pas vivre sans religion, mais éprouver des émotions hors des religions institutionnelles. Comme il peut être plus difficile de cesser de croire que d'arrêter de fumer, beaucoup de croyants se laissent tenter par des accommodements personnalisés.

« Les croyants en voie de moindre croyance » pensent généralement que l'athéisme n'est pas adapté à leurs besoins et ne peut pas leur convenir, car ils font passer la protection de leurs attaches affectives avant le désir de cohérence. Ils sont donc amenés à trouver une voie de sortie personnalisée qui ménage la chèvre et le chou, à leur convenance. Leurs univers mentaux sont meublés de tabous, chacun ayant les siens, aucun n'étant universel. Il s'agit de trouver le point où les forces répulsives (obéissance, devoir, obligation, fidélité à la communauté, péché originel, péché personnel, culpabilité, sacrifice, renoncement, Jugement dernier, purgatoire, Enfer, ...) sont compensées par les forces attractives (amour, pardon, sauver son âme, paradis, éternité, ange gardien, solidarité de la communauté, bonheur, ...). Typiquement, en relativisant la notion de péché :

Manquer la messe du dimanche, avoir des relations sexuelles hors mariage, se remarier, etc., ne sont pas des péchés mortels, mais de petites fautes vénielles ; tant qu'on n'a tué personne, Dieu, puisqu'il est bon et juste, ne va pas nous punir d'une manière disproportionnée par l'Enfer éternel.

La religion devient presque sympathique mais, située hors du catholicisme romain, elle est devenue personnelle. Pour des personnes cultivant une autre sensibilité, mais dans la même mouvance d'une religion à la carte :

L'Église de Rome s'étant fourvoyée au cours de son histoire, je retourne à un christianisme plus proche des origines, et je me nourris de la Bible que j’interprète selon ma conscience.

D'autres croyants tombent dans la contradiction de vouloir se détacher de leur foi tout en affirmant que la religion est sacrée. Il serait difficile de faire l'inventaire des solutions possibles. Ce qui est recherché, ce n'est pas la cohérence, mais un équilibre des sentiments, dans une position qui peut n'être que personnelle, subjective et difficilement transmissible, donc peu crédible pour les autres, mais qui répond au principe :

Peu importe que la religion soit fondée, pourvu qu'elle soit émouvante.

Quant à devenir athée, c'est une autre chose qui implique un changement de paradigme et nécessite, au moins durant une période transitoire, une véritable abnégation.

On peut expliquer pourquoi certains athées ont une attitude perçue comme agressive, tandis que d'autres ont un comportement et des propos plutôt retenus.

  • Les premiers ont généralement été fortement endoctrinés, ce qui fait que le chemin a été abrupt pour arriver à l'athéisme. Ils comprennent très bien la religion puisqu'ils en viennent. Les liens affectifs noués par l'expérience religieuse n'ont pas été considérés comme des données intangibles, mais comme un matériau à éroder.
    • Afin de dissoudre les attaches affectives, ils ont alimenté leur refus de la religion par mille arguments portant sur des défauts inacceptables et intolérables. Comme leur combat intérieur a été vif et a mobilisé une débauche d'énergie, il peut déborder dans le domaine public. C'est malheureusement ce dont témoigne ce livre dont l'écriture a été un moyen thérapeutique d'aide à la reconstruction. Changer de point de vue pour se mettre à penser tout différemment, dans un cadre rénové, ne peut pas se réaliser du jour au lendemain.
    • Une variante bien visible sur internet est l'athéisme grossier qui se manifeste par le mépris, les insultes ou les injures. Ceux qui le pratiquent se distinguent des précédents par leurs difficultés à rationaliser et leurs lacunes dans les moyens d'expression, mais ils partagent le même but de développer la désacralisation et le désamour de la religion.
  • Les seconds, souvent moins endoctrinés, sont plus facilement arrivés à l'athéisme par la voie de l'indifférence religieuse. N'ayant jamais été ni en état de crise, ni en révolte, ils tiennent des propos plus mesurés et ont un comportement social plus discret.

Si les relations avec la religion ont été plutôt cordiales et la motivation de quitter la foi est mince ou s’il est dépassé par l'effort à accomplir pour s'extraire de la religion, celui qui n'est qu'au début du chemin du désamour religieux peut craindre que l’athéisme soit un objectif inatteignable. Une franche détermination est nécessaire. Ceci dit, personne n'est tenu à se désengager complètement de toute croyance. Il faut saluer chaque pas accompli dans cette direction, si minime soit-il. Celui qui s'éloigne de la religion se trouve dans une phase de déconstruction des liens qui peut s’étaler dans la durée.

Après avoir fait un premier tour du problème, on revient au point de départ parce qu'on n'arrive pas à sortir de cette question :

Dans ma marche arrière qui, par nature, est une opération de désamour, suis-je déterminé à remettre radicalement en cause des éléments fondamentaux, substantiels et émotionnellement chargés de la religion puis, le cas échéant, à y renoncer ?

Demander de l'aide

Face aux difficultés que l'on peut rencontrer en quittant sa religion, l'aide de personnes qui sont passées par là, ou qui vivent la même situation, peut être bénéfique. À défaut, on trouve sur internet des sites qui apportent leur assistance aux personnes quittant leur religion : groupes de parole, aide et conseil.

Réussir l’abandon de la foi
Le lâcher prise

Le cheminement vers la libération de l'emprise de la religion, lorsqu'il est réussi, aboutit au lâcher prise qui succède à l'évanouissement du Jugement dernier. Les peurs et la culpabilité s’évaporent. L'harmonie supplante les tensions. La voie vers le mieux-être est ouverte. Le nouveau paysage mental, débarrassé des contradictions des mystères théologiques, est très jouissif pour qui est épris de rationalité.

Beaucoup sortent de l'Église sans en aviser leur entourage familial au prétexte qu'ils veulent éviter de faire de la peine à ceux qu'ils aiment. Cette attitude est affligeante. Celui qui se justifie en accusant son environnement social de manquer de compréhension trahit son malaise face à ses propres convictions qu'il peine à assumer. Il veut probablement cacher ses sentiments de culpabilité ou de honte, ce qui signifie que le lâcher prise n'est pas atteint. Le silence traduit une soumission au regard des autres, ce que le langage populaire traduit par l'expression « il s'écrase ».

La religion attribue une grande valeur à la personne humaine. Certains aspects constructifs de cette attitude peuvent être recyclés, aux rangs desquels on peut placer le respect de soi-même, la dignité et l'honneur. Contrairement aux autres mammifères, l'homme vit debout.

Une attitude sociale transparente contribue à se mettre en paix avec soi-même. On peut vérifier que l'on est parvenu au terme du cheminement si, après une sortie de l'Église, on est capable d'effectuer une sorte de coming-out :

Je suis sorti de l'Église, et je ne m'en cache pas. Je suis sans religion.

Celui dont la démarche de désendoctrinement est achevée peut même ajouter : « J'ai été un catholique torturé. Maintenant, je suis un athée heureux. »

Le bonheur peut emprunter d'autres voies, mais tous les chemins qui y mènent sont nécessairement longs et exigeants puisqu'ils nécessitent rien de moins que de donner de la cohérence à sa vie. Chacun doit trouver comment désengluer son indépendance d'esprit de la mélasse religieuse.

Cesser de croire

Avant de revenir au thème de la foi, osons une comparaison. Pour arrêter de fumer, il faut d'abord le désirer. Par exemple, celui qui ressent des effets délétères sur la santé tels que toux, bronchite ou essoufflement peut y puiser de la motivation. On peut aussi vouloir ménager ses proches. Mais les bonnes résolutions ne suffisent pas et, pour passer à l'acte, un accompagnement est généralement fort utile, typiquement par une personne de confiance qui joue le rôle de coach. L’abandon de la foi a besoin de motivation et de soutien. Malheureusement, comme les psychologues formés en désintoxication religieuse sont rares, nous devons le plus souvent nous en charger nous-mêmes. Il faut d'abord ressentir le besoin d'arrêter de croire. Pour ce faire, on peut se baser sur les effets douloureux de la foi tels que le sentiment de culpabilité, la peur de l'Enfer, les déceptions consécutives à des prières sans effet concret, la confrontation à l'injustice, l'absence de souffle divin sur l'Église, etc. Tous ceux qui nourrissent leur angoisse existentielle de forces spirituelles inquiétantes ressentent un malaise dont ils souhaitent se libérer. Mais cela ne suffit pas, car il faut encore passer à l'acte.

En un Dieu juge et justicier, je ne crois pas.
À la résurrection du Christ, je ne crois pas.
Au Jugement dernier, je ne crois pas.
À la résurrection des morts, je ne crois pas.
À l'Enfer, je ne crois pas.
Au Paradis, je ne crois pas.
À la vie éternelle, je ne crois pas.

L'amateur de café sucré déteste le café nature parce qu'il le trouve trop amer. Mais, s'il est motivé, il peut s'habituer à réduire la quantité de sucre, par étapes successives, jusqu'à zéro. Après quoi, il est probable qu'il trouve infect le café sucré.

Il est possible de surmonter les symptômes de manque et il vaut la peine de persévérer dans l’effort.

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