Résister à l'enseignement de l'Église: droits de l'Homme, morale, culture laïque

[Pitch] Religions

En Europe occidentale, nous observons que les religions séculaires s'effritent tandis que d'autres s'infiltrent. Assurément, nous sommes loin d'en avoir fini avec les zélateurs de la Vraie Foi Révélée qui présente la bizarrerie d'être plurielle. Il s'en dégage l'image d'un Dieu qui se cache, délivre des messages contradictoires et présente un trouble dissociatif de l'identité. La diversité des croyances révèle qu'elles sont des constructions culturelles dépourvues de fondements objectifs. Il n'est pas raisonnable d'obéir aux propagandistes d'un Dieu si mal défini.

Pourquoi l'homme s'accroche-t-il à des croyances dites sur l'au-delà, mais qui sont en fait au-delà de toute vraisemblance ? La réponse est - ô révélation - à situer entre nos deux oreilles, c'est-à-dire dans notre cerveau. Se contenter d'arguments d'autorité est une capitulation de l'esprit.

Les religions oeuvrent à dramatiser l'existence : l'oeil de Dieu qui nous observe, le péché, le Jugement dernier, l'enfer (ou la réincarnation en un être inférieur), la vie éternelle, ...

La religion ne permet pas d'accéder à la paix intérieure, car elle développe une rhétorique d'intimidation qui met le fidèle sous pression et exige de lui toujours plus, sans fin. Celui qui ne met pas en place une défense se fait phagocyter.

Méfions-nous d'une religion qui sanctifie la soumission et l'obéissance : croire nous rendra captifs !

Résister un peu pour éviter la dérive extrémiste ne suffit pas ; il est nécessaire de résister fermement pour éviter l'engrenage de la sujétion.

Être modéré en religion

Il est communément admis que, en matière religieuse, il faut absolument éviter de se radicaliser, d'être extrémiste. Donc, il faut rester modéré, se fixer des barrières à ne pas dépasser. Cela implique de prendre de la distance par rapport à la religion, d'émettre des jugements critiques, de refuser d'appliquer littéralement certains textes sacrés, bref de développer une capacité d'indépendance capable de tenir tête à la facilité de l'obéissance servile. Il serait fort imprudent se lancer en religion sans retenue et sans être doté de moyens de freinage.

Quelles sont ces limites et comment les définir ? Puisqu'elles ne peuvent pas se fonder sur des valeurs religieuses, ce sont forcément des valeurs humaines. Le bon sens et l'empathie sont respectables, mais leurs contours sont trop flous et mal définis pour constituer une référence fiable. Je ne vois qu'une barrière à opposer aux dérives religieuses: le respect des droits humains.

Les valeurs religieuses ne sont donc ni absolues et ni fondamentales. Elles ne peuvent s'exercer que dans un cadre laïque qui l'englobe et lui est supérieur. En fait, notre culture n'est que partiellement fondée sur des valeurs religieuses puisées dans l'Antiquité. Plus essentiellement, elle est basée sur les valeurs laïques apparues au XVIIIe siècle telles que les droits humains et la démocratie moderne. Les valeurs religieuses doivent impérativement être subordonnées aux valeurs laïques. On peut même avantageusement s'en passer.

C'est curieux : les croyants affirment généralement se situer très loin de l'extrémisme, car on peut toujours trouver pire. Cependant, les religions enseignent qu'il faut s'extraire de la mollesse et manifester plus d'engagement dans la foi, bref qu'il est mal de se complaire dans la modération.

« Aussi longtemps que nous acceptons le principe que la foi religieuse doit être respectée simplement parce que c'est la foi religieuse, il est difficile de refuser ce respect à la foi d'Ousama ben Laden et des auteurs d'attentats suicides. L'alternative, si évidente qu'il est inutile d'en souligner l'urgence, est d'abandonner le principe du respect automatique de la foi religieuse. C'est une raison pour laquelle je fais l'impossible pour mettre les gens en garde contre la foi elle-même, et pas seulement contre la prétendue foi "extrémiste". S'ils ne sont pas extrémistes en soi, les enseignements de la religion "modérée" sont une invitation ouverte à l'extrémisme. » Richard Dawkins

Quelles valeurs opposer à la barbarie ?

Comment l'Église, qui a organisé plusieurs croisades contre les musulmans, pourrait-elle condamner les guerres offensives ? Le miracle par lequel elle prêche la tolérance, alors qu'elle a pratiqué une répression impitoyable par l'Inquisition, s'appelle-t-il «Faites ce que je dis, mais pas ce que j'ai fait» ? Les lacunes éthiques sont abyssales. Le crédit de l'Église repose sur l'amnésie sélective.

La question du fondement des valeurs est cruciale. Par exemple, quelles valeurs opposer à l'esclavagisme ? La question se pose à propos de certains mouvements islamistes radicaux. Attendu que l'Église catholique a, dans un but expansionniste, durablement soutenu l'esclavage et accompagné les esclavagistes, les valeurs chrétiennes sont inopérantes dans ce contexte. Il est nécessaire de faire appel à des valeurs laïques comme les droits humains.

Le fondement des valeurs du monde occidental est moins dans le christianisme, comme le prétend la propagande chrétienne, que dans les valeurs héritées du siècle des Lumières et développées depuis lors: les droits humains, la démocratie, la liberté individuelle, l'état de droit, la séparation de la sphère étatique des sphères religieuses, la confiance en la raison, l'école obligatoire pour tous, l'égalité des sexes, la liberté d'expression, etc. Plus que toutes les autres valeurs culturelles ou religieuses, ces valeurs laïques sont à la source du succès de la civilisation occidentale.

Le message divin est cacophonique

Aujourd’hui, un tiers de la population mondiale se rattache au christianisme à des degrés divers. Pour une intervention divine aussi majeure que la venue du Christ, après 2’000 ans d’efforts intenses comprenant des croisades, l’inquisition, des guerres de religion, la colonisation et d’innombrables conversions obtenues par la force, le résultat est décevant.

Du point de vue de ceux qui croient à la Vérité, il reste les deux tiers des humains dans l’ignorance ou l’erreur. De plus, les chrétiens sont divisés, sans parler du degré de foi de chacun. La Providence et le marketing céleste sont à la peine. Dans la cacophonie des croyances, aucune religion ne prend l’ascendant et ne parvient à s’imposer par l’évidence de son ancrage divin.

Cependant, au lieu de juger la Révélation comme un ratage partiel, je la considère plutôt comme une fable d’origine humaine, ce qui explique l'impossible établissement d'une foi unique.

Je ne m’en plains pas, car le sens de la vie, le même pour tous et dicté par une religion, ne m’attire guère.

Le problème n’est pas l’homosexualité, mais la Bible

En 2015, l'évêque de Coire Mgr Vitus Huonder, lors d'un colloque catholique à Fulda, a lu et commenté ce verset :

[Le Lévitique 20 13] L'homme qui couche avec un homme comme on couche avec une femme: c'est une abomination qu'ils ont tous deux commise, ils devront mourir, leur sang retombera sur eux.

Comme ce propos contrevient à l'article 259 du Code pénal suisse qui condamne les incitations publiques au crime, une plainte pénale a été déposée. Mgr Huonder a été blanchi par la justice suisse, au motif que cet appel au meurtre ne doit pas être interprété comme devant être exécuté. Dit plus crûment, la Bible peut être prise plus ou moins au sérieux, mais pas vraiment. Le respect des personnes passe avant.

La Fédération des Églises protestantes de Suisse a ouvert la porte à l’introduction du mariage religieux pour les homosexuels. Elle admet ainsi officiellement que certains versets doivent être ignorés et que la Bible contient des incohérences. Or, à partir d’une contradiction, on peut déduire ce que l'on veut. On en voit d’ailleurs un effet : l’homosexualité pose encore problème chez les catholiques alors qu’elle est en voie d’être acceptée chez les protestants. Puisqu’on ne peut pas se fier à la Bible, on peut estimer qu’elle a été écrite sans intervention divine par des êtres humains pas toujours inspirés.

L’homosexualité doit être acceptée comme un phénomène naturel sans motif de discrimination. Le problème est que la Bible prône l'intolérance. Une prise de distance par rapport à la religion permet de s’alléger d’un conflit moral illusoire.

Cette rubrique a été publiée par la presse papier dans

L'énigme du commencement

Une énigme ne se résout pas par une kyrielle de mystères déduits de textes hétéroclites autoproclamés révélation divine.
Michel Bavaud, La Liberté du 30 septembre 2016

Question ou objection

Comment pouvez-vous soutenir l'homosexualité alors qu'elle contrevient gravement à l'ordre naturel ? Voilà le genre d'errance à laquelle aboutissent ceux qui ont perdu la boussole de la religion !

Réponse

Je ne soutiens pas l'homosexualité, mais je m'oppose à toute discrimination à l'égard des homosexuels.
Qu'est-ce qui appartient à l'ordre naturel ? Que l'esclave travaille pour son maître ? Que la femme soit soumise à son mari ? Trop d'iniquités ont été justifiées par la morale naturelle accommodée par les faiseurs d'opinion d'une époque. La seule morale de référence est celle qui découle des droits de l'Homme. Sa laïcité assure son indépendance et son universalité. La tolérance est une valeur qui nous permet de vivre ensemble, en bonne harmonie.

La morale est nécessaire au bon fonctionnement de la société, et la religion est nécessaire pour fonder la morale. Donc la religion est nécessaire au bon fonctionnement de la société.

Est-ce faire preuve de raison ou de sagesse que de faire appel à des mythes pour résoudre les problèmes moraux actuels de la société ? Alors que la religion ne touche que les croyants engagés dans une obédience particulière, la morale concerne tous les êtres humains. Affirmer que l'éthique est, in fine, fondée sur la nature divine de Jésus Christ revient à prétendre que la majorité de l'humanité est dépourvue de morale.

L'homme étant un être individuel et social, il est à la fois égoïste et altruiste, défendant son intérêt propre et le bien commun, mais ni totalement égoïste, ni totalement altruiste. Chacun trouve une position intermédiaire d'équilibre.

Dans la lutte pour la survie, la coopération apporte des avantages et tient un rôle aussi important que la compétition. Conscient de sa dépendance à la société, l'individu se sent obligé de reporter une partie de ses préoccupations vitales vers le bien commun. Cette disposition d'esprit, qui résulte de la sélection naturelle, est au fondement de la morale.

Fort heureusement, la morale (au singulier) n'est pas fondée sur les religions (au pluriel). Voir Quelques manquements de l'Église catholique à la morale laïque

Le péché ou l’expression d’une pédagogie divine dépassée

L’éducation catholique que j’ai reçue insiste beaucoup sur le péché. Certes, après réflexion, la notion de péché recouvre aussi les actes que l’on n’a pas accomplis, par exemple n’avoir pas accordé son aide à une personne qui en avait besoin, mais la première idée qui ressort se rapporte à des actes interdits, par exemple d’ordre sexuel.

L’Église encourage l’examen de conscience, ce que l’on devrait approuver s’il n’était pas centré sur les manquements, les erreurs, les fautes et les péchés. La notion de péché évoque la culpabilité, la punition et la souffrance, ce qui en fait quelque chose de négatif, de paralysant, de peu constructif et de destructeur.

Cette manière de voir ne correspond pas du tout à mon expérience de vie selon laquelle il y a beaucoup plus à regretter parmi les choses que l’on n’a pas faites que parmi celles que l’on a accomplies. Il me paraît plus constructif d’orienter mon examen de conscience sur ce que je pourrais faire de bien, de regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé.

C’est aussi l’orientation qu’a prise la pédagogie moderne, en opposition avec l’enseignement traditionnel de l’Église.

Les mauvais comportements de certains chrétiens ne peuvent pas être imputés aux institutions religieuses. «Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain!»

Dans de nombreux cas, c'est bien l'Église catholique, en tant qu'institution, qui a mal agi, par exemple: croisades, inquisition, esclavagisme, cléricalisme, protection des pédophiles, etc. Il n'est pas possible d'attribuer ces dérives à quelques personnes. Ainsi, pas moins de quatre papes (Eugène IV, Nicolas V, Calixte III et Sixte IV) ont promulgué des bulles pour encourager la traite des noirs. Voir: Quelques manquements de l'Église catholique à la morale laïque.

Pour parodier le proverbe, «L'eau du bain est trop saumâtre pour qu'un bébé puisse y survivre». C'est donc sans regret que l'on peut envisager sa vie hors de l'Église catholique, et rejoindre ainsi la majorité de l'humanité.

On ne peut pas juger le passé selon des principes modernes. Le droit n'étant pas rétroactif, on ne peut pas appliquer les droits de l'Homme à des actes qui sont antérieurs à 1789, voire même avant 1948.

Si l'Église se déclarait institution humaine, vous auriez raison. Mais comme elle se prétend instituée par Dieu, détentrice de la Vérité immuable, inspirée par l'Esprit saint et guidée par la Providence, pourquoi a-t-elle si souvent violé les droits de l'Homme ?

Que la situation se soit améliorée, d'accord, mais il est principalement dû à des contraintes extérieures, et il subsiste deux questions:

  • L'amélioration actuelle lave-t-elle de toutes les fautes et errances du passé ?
  • Du point de vue des droits humains, le fonctionnement actuel de l'Église est-il satistaisant ?

Le comportement de l'Église dans le présent, et surtout dans le passé, justifie une grande méfiance envers la légitimité de droit divin dont l'institution romaine se drape.

Par ailleurs, on ne peut pas, dans l'histoire de l'Église, négliger ce qui est antérieur à 1789 sans quoi le message du Christ disparaîtrait ! Soutenir que «Le passé peut être ignoré, car seul le présent compte» est une position intenable.

En fait, on ne doit pas enterrer le passé : c'est en analysant les erreurs commises que l'on peut éviter de les répéter dans l'avenir.

À propos de «Pourquoi j'ai quitté l'Eglise romaine» de Georges Las Vergnas.

[Courrier d'un internaute] Destiné à la prêtrise depuis le plus jeune âge, Georges Las Vergnas s'est posé trop de questions pour y rester. Il en a résulté en 1956 le livre «Pourquoi j'ai quitté l'Eglise romaine», édité à compte d'auteur. Georges Las Vergnas est décédé en 1986. Alors que certains démocrates ou même libres penseurs admettent benoîtement que le Salut universel promis par l'Eglise est à l'origine des Droits de l'Homme, Georges Las Vergnas démontre que par les Ecritures et ses dogmes, l'Eglise a été depuis les origines contre tout progrès, qu'il soit moral, politique ou social.

Quelques citations de «Pourquoi j'ai quitté l'Eglise romaine», Georges Las Vergnas

Le catholicisme n'est pas une religion comme les autres

Dans la majorité des religions, le clergé ne joue qu'un rôle de facilitateur, un rôle utile mais non nécessaire. Au contraire, dans le catholicisme, à travers les sacrements et la messe, le clergé joue le rôle d'un intermédiaire indispensable d'où il tire (ou tout au moins tirait) une autorité renforcée. Un catholique authentique ne peut pas prétendre s'arranger directement avec Dieu.

Je fais totalement confiance à l'Église, surtout depuis l'arrivée du pape François.

J'admets que vous vous déclariez croyant et dites vous soumettre volontairement aux directives de l'Église. Je trouve par contre nécessaire de demeurer vigilant et d'adopter un principe de révision : en cas de violation des droits humains, ou pour toute autre raison qui heurterait votre conscience, vous devriez vous tenir prêt à quitter l'Église et à reprendre la main sur la conduite de votre vie. Il me paraît hallucinant de s'engager à rester fidèle quoiqu'il puisse arriver. On en voit les effets pervers dans certaines sectes, c'est-à-dire chez les autres, plus difficilement pour soi-même. Il me paraît bien présomptueux de prétendre que l'Église est à l'abri de tout dérapage alors que son histoire prouve le contraire.

C'est la foi qui donne un sens à la vie

S'il s'agit d'un sens à construire librement selon ma conscience, je veux bien entrer en matière. Malheureusement, la référence à «la foi» manifeste probablement une toute autre intention. Si «un sens» signifie LE sens donné par LE dogme, alors le sens de la vie consiste à obéir au Vatican.

«- Attaché ? dit le Loup: vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours, mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte
»

[La Fontaine, Fables, Le Loup et le Chien]

On peut donner à la vie un autre sens [lire le conte philosophique Du bâton en cadeau au sens de la vie], par exemple de vivre sa vie le plus pleinement possible, en s'épanouissant sur tous les plans: physique, affectif, intellectuel et social.

Nous avons tous besoin d'un modèle, et le Christ est pour moi un exemple.

Le désir de s'identifier à un héros trouve son exutoire dans la littérature ou le cinéma. Il me paraît excessif de le projeter en terrain religieux. Ayant malheureusement subi l'enseignement de prédicateurs zélés, je considère que consacrer trois ans de sa vie à prêcher est un exemple à ne pas suivre. Un aspect désagréable des religions est le devoir de mission, c'est-à-dire d'importuner les autres. Le monde manque de gens qui s'opposent activement aux endoctrineurs qui militent pour des organisations à visées mondiales.

L'image du mouton qui suit fidèlement son Berger me révulse. Pourquoi un modèle devrait-il être religieux ? Par exemple, Edmond Kaiser (1914-2000), fondateur de Terre des hommes et de Sentinelles, était agnostique et incroyant. Et j'ai beaucoup d'admiration pour Condorcet (1743-1794) qui a lutté pour l'abolition de la peine de mort et, en matière d'esclavage, a pris la défense des gens de couleur. C'est un bel exemple où les lumières de la raison parviennent à infléchir les passions religieuses, politiques et sociales.

Vos propos coulent sur moi sans me toucher. Je suis sûre à 100% que Dieu existe et nous aime.

Je me suis prononcé sur l'amour de Dieu dans Dieu est-t-il bon ou paradoxal ? Cet amour est encore renforcé - si cela est possible - par les soins bienveillants que l'Église porte à ses membres :

  • Quand les Albigeois ont tenté de vivre leur foi hors de la Vérité, l'Église les a judicieusement exterminés. Louée soit l'Église de nous avoir protégé de l'hérésie !
  • Quand l'Église partait en Croisade, elle nous montrait l'exemple du chrétien engagé. L'acte courageux a plus de valeur que mille prédications. Louée soit l'Église et son amour !
  • Quand l'Église faisait brûler les sorcières, elle nous protégeait maternellement de Satan qui tentait sournoisement d'étendre son royaume. Louée soit l'Église et sa sollicitude !

Aujourd'hui contaminée par les idées laïques de la Révolution française, l'Église a perdu de son mordant et s'est ramollie. La relève est ailleurs, mais l'amour de l'homme pour Dieu ne faiblit pas : lire la suite dans Charlie Hebdo. Plutôt que de placer ma confiance dans un mythe, je confie mon opinion au jugement de l'histoire qui montre que les religions ne peuvent pas servir de boussole et ne protègent pas des dérives.

L'indignation sélective est un trait que le christianisme partage avec les autres religions. L'amour est vraiment peu de chose face à l'aveuglement idéologique. Dieu n'est rien d'autre que l'image qu'on s'en fait.

Beaucoup de miracles ont été observés par des témoins crédibles, ce qui constitue une preuve indiscutable que la religion dit vrai.

Toutes les religions sont fondées sur des miracles. En suivant votre raisonnement, toutes les religions disent vrai. Faudrait-il donc toutes les pratiquer ?
Est miracle tout ce que l'homme ne comprend pas et qu'il explique par l'action divine. Donc, Dieu fait d'autant plus de miracles que l'ignorance du croyant est grande. Il semblerait même que les miracles soient bien plus largement répandus que l'esprit critique!
Personnellement, je cherche d'abord une explication naturelle. Dans le cas où l'on n'en trouverait pas, j'avoue mon ignorance sans y trouver la nécessité de faire appel au surnaturel: la foudre ne prouve pas l'existence de Zeus.

Comme l'univers est uniquement régi par des lois naturelles, il n'y a jamais eu de miracle, ce qui exclut la Résurrection.

Heureux ceux qui croient sans avoir vu. [Saint Jean 20 29]

C'est la clé de l'irrationnel. De là découle la multiplicité des croyances. On peut ainsi justifier n'importe quoi. Mais une voie raisonnable reste ouverte: la bible nous autorise à être incrédules puisque Saint Thomas se l'est permis.

La peur de l'enfer nous tient dans le Bon Chemin

La peur d'être torturé peut conduire à la peur de l'enfer. Mais, d'une peur, on peut tirer des conséquences divergentes.

Pour mon compte, la peur d'être torturé se traduit par un soutien inconditionnel aux droits humains. Qui voudrait vivre dans une société régie par la force brute et dépourvue de respect envers les personnes ?

Quant à la peur de l'enfer, je la range dans la même catégorie que la peur des fantômes : celle des fantasmes.

Révolution au Royaume des cieux

«La doctrine du peuple élu est indubitablement un produit de la forme tribale de la société.»

Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis

Le Royaume des cieux est une idéalisation des royaumes hébreux. Une part essentielle de la félicité céleste réside certainement dans le sentiment de se sentir parmi les siens. Quant à la contemplation divine, elle évoque irrésistiblement le privilège d'assister au petit lever du Roi-Soleil. Mais le plus important est à venir.
D'une part, y passer l'éternité me paraît vraiment trop long; moi qui supporte difficilement les spectacles de plus de trois heures, je crains de m'ennuyer terriblement, sans fin. L'au-delà n'est peut-être pas idyllique.
Ensuite et surtout, je déplore qu'il s'agisse d'un royaume: pour parvenir au bonheur, j'ai impérativement besoin de mon autonomie intellectuelle et de ma liberté de pensée. Je m'empresserai de réclamer une démocratie céleste. Que le Roi abdique ! Vive la république !
Mais obtiendrai-je la permission de créer un parti laïque ? Le Royaume des cieux me cause bien des soucis ... et perd beaucoup de ses attraits. L'immortalité me paraît ainsi guère souhaitable.

L'homme naît coupable et doit être racheté. Et bien non, je ne suis pas né coupable ! Je refuse l'injustice de devoir payer pour un hypothétique péché originel.

Le droit successoral suisse prévoit que l'on peut refuser une succession, y compris lorsque celle-ci est constituée de dettes. Pourquoi la loi divine n'accorde-t-elle pas cette possibilité aux héritiers d'Adam et Ève ? Où est la justice ?

L'Église ne culpabilise plus les gens comme autrefois.

Aujourd'hui, la religion est souvent envisagée comme une méthode de mieux-être. À ce titre, il est impératif qu'elle s'adapte aux besoins spirituels de ceux qui y font appel. Dans ce contexte, l'Autorité et la doctrine officielle sont des trouble-fêtes dont il est souhaitable de réduire les rôles.

D'une part, l'Église officielle, définie par ses dogmes et son catéchisme, campe dans son conservatisme. À force d'avoir multiplié les proclamations de vérités immuables et de règles intangibles, elle s'est rigidifiée et volontairement privée de moyens pour s'adapter et évoluer. D'autre part, les réformistes, des plus modérés aux plus radicaux, forment une large constellation. La distinction entre croyants et incroyants est insuffisante: il y a tous ceux, et ils sont fort nombreux, qui ne croient que partiellement, beaucoup, moyennement ou seulement un peu. Les fidèles font leur marché, prennent ce qui leur plaît, l'amour, et rejettent qui les rebute comme la soumission à l'autorité pontificale. Qui croit encore que manquer la messe et l'eucharistie dominicales est un péché mortel qui vous condamne à l'enfer éternel ? Beaucoup de catholiques s'attachent à vider le péché de sa rigueur d'antan de manière que seuls les criminels soient menacés de l'enfer, ce qui leur ouvre une voie sans entrave vers le bonheur éternel. C'est la démocratisation du paradis. Ce faisant, au nom du principe «Prendre à la lettre l'enseignement religieux officiel, c'est de l'intégrisme», ils refusent de croire que l'Église parle au nom de Dieu. Le sentiment religieux devient une technique de mieux-être. Les catholiques ont trouvé ce moyen pour se libérer du catholicisme traditionnel.

À la manière des mythes, les religions sont perpétuellement réinterprétées. Leur signification actuelle n'est donc pas fixée. Elles s'adaptent aux aspirations de ceux qui y placent leurs espoirs. Ainsi, les références à la Bible, dans mon enfance, étaient différentes de celles d'aujourd'hui : la présence du démon était mise en évidence alors qu'elle est maintenant considérablement réduite.

La majorité des gens qui se disent catholiques ne sont en fait que des demi-catholiques, car, obéissant à leurs sentiments, ils préfèrent occulter une grande partie du corpus catéchétique. L'Église est une institution schizophrène dont les ministres ne proclament plus que la partie la plus présentable de la doctrine. Certaines personnes mènent, avec l'Église, une querelle d'amoureux égocentriques : chacune exige, par des reproches très durs, que l'autre change, sans se remettre en question, ni songer à une séparation. Beaucoup prennent de la distance, selon des modalités les plus diverses, mais sans rompre. Seuls quelques uns vont plus loin encore et quittent le troupeau.

Les attitudes religieuses variées qui en résultent diffèrent tellement du catholicisme romain qu'il faudrait leur attribuer de nouvelles dénominations. J'ai l'impression d'assister à l'émergence de nouvelles religions. Dans l'une, seuls les actes comptent, et l'Église ne joue qu'un rôle facultatif. Dans une autre, celle de l'Amour, le péché et l'enfer ont été exclus; puisque nous serons presque tous sauvés, les pratiques religieuses sont facultatives.

Plus généralement, l'Église voit son pouvoir fortement s'altérer. Cependant, le label catholique demeure un talisman apprécié, car il ouvre la porte aux services de l'Église tels que les mariages et les enterrements dont on apprécie l'ancrage social. Les catholiques, même pratiquants, sont de plus en plus nombreux à être hétérodoxes. Il en résulte une séparation entre les aspects culturels et les aspects proprement religieux du christianisme, d'où l'apparition d'une sorte de religion séculière insubordonnée à l'autorité romaine.

La doctrine officielle du Vatican n'a pas changé, mais elle n'est plus suivie; c'est pourquoi l'Église ne culpabilise plus comme autrefois.

Ces bouleversements montrent que l'évolution de la société transforme les mouvements religieux. Le catholicisme est une construction humaine sur laquelle il m'est difficile de voir le souffle de l'Esprit-Saint !

Un mouvement semblable s'observe chez les protestants. Dans la population suisse en 2014, les chrétiens pratiquants ne sont plus que 18 %, alors que 57 % déclare avoir pris ses distances d'avec les Églises, mais sans avoir rompu le lien administratif.

Comment les croyants réagissent-ils aux critiques contre le catholicisme ?

Dans les premiers contacts, beaucoup de gens m'approuvent, car la majorité des catholiques sont dans la souffrance de voir leur Église n'être pas conforme à leurs convictions. Puis, lorsqu'ils se rendent compte que je suis athée, ils rompent le dialogue et s'éloignent : j'ai franchi une ligne rouge.

Les chrétiens qui se sont éloignés de l'Église sont peu enclins à parler de religion. J'ai même l'impression qu'ils ont rangé ce sujet dans le même tiroir que le thème de la mort, étiqueté «À y penser le plus tard possible».

Les chrétiens modérés réagissent le plus souvent sous la forme «Pour moi, le catholicisme, ce n'est pas la doctrine officielle qui tarde à être mise à jour, mais tout autre chose», la dite chose différant fortement d'une personne à l'autre. Le christianisme réellement pratiqué est quelque chose de subjectif, d'assez vaguement formulé, d'attaché à des sentiments et d'insaisissable. Les objections étant considérées comme irrelevantes, il est impossible de le soumettre à la critique. Aucun argument ne peut toucher la foi d'un croyant, même modéré. Je me demande cependant si ce dont nous parlons peut encore s'appeler catholicisme ou si la doctrine officielle est en voie de déliquescence.

Quant aux chrétiens convaincus, ils sont choqués et disent par exemple «Est-ce que tu crois vraiment ce que tu dis ?» ou bien «Tu changeras d'avis à l'approche de la mort». Sur le fond, j'ai répondu à ce dernier argument dans Surmonter la peur de la mort. Mais je retiens ici qu'il est pour eux inconcevable de ne pas croire, que cette situation pathologique ne peut être que temporaire, et que tout homme sensé ne peut que revenir à la foi. Ces chrétiens se trouvent dans l'incapacité de se mettre à la place de l'athée et de le comprendre.

La pratique d'une spiritualité est nécessaire

La spiritualité est une attitude qui tend à nous mettre en harmonie avec nous-même, avec les autres et avec l'environnement. Elle opère sur l'introspection afin qu'elle nous renvoie une image positive. Elle s'inscrit dans la recherche du bien-être et, si possible, du bonheur.

Contrairement à ce que le christianisme nous enseigne, la croyance en Dieu n'est qu'une manière, parmi d'autres, de pratiquer la spiritualité. L'examen de conscience paraît être un moyen de progresser sur le chemin de l'auto-satisfaction; mais, mesuré à l'aune des exigences religieuses, il tend à développer des sentiments de culpabilité et à renforcer une sensation de malaise, ce qui montre que la doctrine religieuse est toxique et qu'il nous faut en changer. J'ai été abondamment abreuvé de prières et d'examens de conscience sans en retirer la moindre sensation d'harmonie. La notion de péché ne me paraît pas la plus pertinente pour guider notre vie, car il y a généralement plus à regretter parmi les actions que l'on n'a pas entreprises que de contrition à présenter pour des actes inappropriés. L'examen de conscience devrait être plus constructif et porter prioritairement sur ce qu'il est souhaitable d'entreprendre, mais il faut pour cela avoir un projet de vie.

La divagation mystique est un exercice jouissif, mais trop subjectif pour être généralisé. Le bonheur obtenu par une voie hallucinogène est chimérique. La spiritualité est trop souvent fondée sur l'activation de l'émotion, alors que l'éveil à la raison est sage et salvateur.

Selon mon expérience, les personnes qui me parlent de spiritualité ont souvent pour but de faire partager leur foi. Que les croyants pratiquent la spiritualité qu'ils veulent, mais qu'ils comprennent que d'autres chemins existent.

La spiritualité bouddhique ne se réfère à aucune divinité, ce qui montre que la spiritualité peut être complètement laïque. Par nature, elle ne peut être que personnelle et subjective. Lorsqu'elle consiste

  • à remplacer les angoisses et les émotions négatives par les lumières de la raison,
  • à se mettre en accord avec soi-même pour affronter la vie et la mort avec sérénité, voir Surmonter la peur de la mort,

alors l'athéisme offre une bonne voie pour pratiquer une méditation laïque qui inclut des préoccupations philosophiques, religieuses, morales, politiques et historiques. Réfléchir à la place de l'homme dans l'univers, tracer une frontière entre l'utopie et le réel, oeuvrer à se détacher des croyances infondées, se construire une représentation cohérente du monde et mettre de l'harmonie dans nos désirs, c'est encore de la spiritualité, et la mienne est intense, voir [...] Donner de la cohérence à sa vie. Il ne faut pas rétrécir son champ de vision en déclarant que les spiritualités qui prennent d'autres voies que la sienne ne méritent pas le nom de spiritualité.

Pour moi, l'objet central de la spiritualité est la pleine acceptation que rien en nous n'est assurément immortel. Vu la culture religieuse dans laquelle nous baignons, sur travail à faire sur soi est gigantesque.

La prière

La prière consiste à confier une tâche à «Quelqu'un qui gère» - un super-sous-traitant des problèmes - ce qui procure un sentiment de soulagement et d'apaisement.

Cependant, comme le remarque justement le proverbe «Aide-toi et le Ciel t'aidera», il est plus efficace de gérer soi-même les problèmes en prenant les mesures appropriées. Dans une reformulation plus laïque, il faut prendre le temps d'organiser sa vie, ce qui apporte aussi - plus constructivement que la prière - soulagement et apaisement. Et surtout, le taux de réussite est meilleur.

L'héritage chrétien fait partie de notre identité

La diversité religieuse de la Suisse ne permet pas d'utiliser la religion comme facteur d'identité. Comme je m'identifie moins avec le christianisme qu'avec des valeurs laïques telles que la démocratie et les droits de l'Homme, je préfère ancrer mon identité culturelle dans l'occident démocratique et laïque issu du siècle des Lumières. C'est aussi à cette période que, le carcan sur la culture imposé par l'Église s'étant quelque peu desserré, les fondements des sciences qui caractérisent notre culture occidentale ont pu progressivement se mettre en place dans leurs acceptions modernes: physique, chimie, biologie, médecine, ... La liberté de pensée permet le foisonnement culturel et favorise le développement.

À contrario, le catholicisme craignait l'industrialisation qui soustrait l'ouvrier à l'influence du curé du village et l'expose au socialisme des milieux urbains. Afin de conserver son identité religieuse, l'État avait le devoir de se protéger au moyen du cléricalisme. La population est traitée comme un troupeau devant être conduit par le bon pasteur.

Celui qui se trouve à proximité de plusieurs fontaines peut choisir la source où s'abreuver. Si l'identité a quelque chose à voir avec une société à laquelle on désire fièrement appartenir, alors je n'aspire pas à l'identité catholique. L'héritage chrétien fait partie de notre histoire, mais certainement pas de mon identité.

Pour qui vous prenez-vous pour remettre en question un enseignement et une tradition de deux mille ans ?

Vous avez raison d'éliminer l'étape par laquelle on se forge une opinion personnelle éclairée, en toute indépendance. Après avoir discrédité le libre arbitre, on peut aborder la religion d'une manière idéale pour enseigner la soumission à l'autorité de Rome et l'obéissance inconditionnelle du bon peuple.

Ascétisme

Ressentir du plaisir, voilà qui est, pour l'Église catholique, dérangeant, problématique, suspect, voire coupable et condamnable. La vraie vie étant ailleurs, la vie terrestre est méprisable et n'a pas de sens. Commençons dès aujourd'hui la vie éthérée dont l'espérance nous convie au renoncement : ni plaisir, ni amour humain. Plus la vie est aride, moins nous craindrons de la perdre. Bienvenue dans la discipline du bonheur !

Il faut suivre la Tradition !

La Tradition nous permet de participer à la sagesse de nos ancêtres. Si la Tradition est une valeur primordiale, alors les chrétiens on eu tord de se séparer de la Tradition judaïque, et ils seraient bien avisés de se convertir au judaïsme.

Mais il ne s'agit jusqu'ici que d'une vison étriquée et à courte vue de la Tradition. Il s'agit de retrouver la vraie Tradition, celle des chasseurs-cueilleurs, que nous avons malheureusement perdue, mais que les paléontologues pourraient tenter de reconstituer. Malheureusement, étant donné que le rôle de la religion dans l'histoire donne de nos ancêtres une image qui est loin d'illustrer leur sagesse, rien ne nous assure que des ancêtres plus lointains aient été plus avisés.

Les Traditions évoluent, puis se perdent. Si la Tradition témoigne de ce qui est permanent dans les croyances humaines, alors elle n'opère que durant des périodes limitées dans le temps. Puisqu'elle se renouvelle périodiquement, la Tradition n'est qu'un mirage. Pour croire qu'une Tradition représente une vérité immuable, il faut la déclarer comme une exception et refuser de saisir l'enseignement de l'histoire et des sciences. Nous savons déjà que les civilisations sont mortelles, mais les croyants ont beaucoup de peine à accepter que les religions sont aussi appelées à être, tôt ou tard, remplacées.

Nous ne pouvons pas remettre en question l'intégralité de l'héritage culturel et religieux que nous avons reçu.

À voir comment l'Église a réagi à propos de Galilée, de Darwin et de la pilule contraceptive, il est nécessaire d'avoir l'esprit bien plus ouvert pour accueillir de nouvelles découvertes scientifiques.

Les pratiques religieuses nous ont laissé de grands monuments: les pyramides égyptiennes, les temples grecs et romains, les cathédrales chrétiennes, les oeuvres de théologie, etc. Puisqu'il paraissait impossible que de si gigantesques efforts aient été fournis en vain, ce qui a été réalisé devait nécessairement correspondre à une réalité. La démesure impressionne et convainc. Plus on était croyant et mégalomane, plus on donnait corps à la vérité.
À contrario, comme les Encyclopédistes nous l'ont montré, le développement et le grand enrichissement de la culture durant le XVIIIe siècle sont, dans leur démarche, liés à la mise à l'écart des religions. Les croyances sont des obstacles à la connaissance objective. De ce point de vue, la différence avec les pays islamiques est significative.
Les plus vieilles racines ne sont pas forcément les plus vigoureuses. Depuis plus de deux siècles, notre civilisation occidentale s'est développée par le dépassement du judéo-christianisme. Notre héritage culturel comporte de beaux joyaux tels que les droits de l'Homme, la démocratie, le bien commun, les arts, les sciences, etc. Ces dernières ont introduit dans la culture l'idée de mettre à l'épreuve les fondements de la connaissance pour tester de leur validité et de rejeter sans état d'âme tous les éléments qui ne résistent pas à la critique. Parallèlement, de nouvelles hypothèses peuvent être envisagées comme autant de pistes à explorer.
Dans cette attitude, le plus important est de rester exigeant mais ouvert. Le port de lunettes doctrinales réduit le champ de vision. Par exemple, au XIXe siècle, le croyant fidèle aux dogmes aurait été incapable de concevoir la théorie de l'évolution. Pire, il a consacré toutes ses forces à la combattre. C'est pourquoi la religion n'est indispensable qu'à ceux qui ont décidé de tout subordonner à leur foi. Malgré la pléthore de valeurs confessionnelles, le monde manque d'engagement pour les valeurs universelles. J'engage tous les esprits éclairés à soutenir une culture laïque.
Au-delà de la religion, il y a les traditions. Malheureusement, c'est au nom des traditions que beaucoup d'africaines sont excisées! Avant d'être acceptée et suivie, toute tradition doit passer sous le joug de la raison et des droits de l'Homme.

On peut dresser un parallèle entre le catholicisme et le royalisme européens

Une large partie de la population suisse se réclame du catholicisme tout en ne le pratiquant pas. Dans le fait que l'étiquette ne correspond pas au contenu, je vois une analogie avec la politique aux Royaume Uni: l'attachement à la royauté est plébiscité, mais c'est quand même la démocratie sous une forme moderne qui est pratiquée. Pour une grande partie de la population, les religions chrétiennes sont des coquilles vides que l'on peut décorer.

Du clan au communautarisme

La tendance des sociétés primitives à se regrouper en clans se maintient aujourd'hui en prenant la forme du communautarisme. Il s'agit de cultiver des sentiments d'appartenance à des communautés ethniques, culturelles, politiques ou religieuses en traçant une frontière nette entre les membres et les autres.

Cet état d'esprit est cultivé par les religions. La loyauté et la fidélité à la communauté sont des vertus cardinales en vertu desquelles, si l'on est né dans la communauté, ce serait une trahison que de s'en éloigner. Une caractéristique de la «culture clanique» est de brider la liberté individuelle au profit de «l'intérêt supérieur de la communauté».

Les relations à privilégier sont celles entre les membres de la communauté, les autres devant être réduites au nécessaire et à l'utile. Un exemple parmi d'autres: un mariage inter-religieux est un gâchis à éviter.

L'esprit communautariste tend à déboucher sur un parti-pris: «tous les être humains sont égaux, particulièrement ceux qui sont comme nous, tandis que les autres le sont un peu moins».

Un catholique qui proteste n'est pas protestant

Je connais plusieurs catholiques qui sont très croyants, mais très critiques vis-à-vis de la hiérarchie, et qui opposent leur conscience morale à l'enseignement de l'Église.

Alors même qu'ils sont protestants dans l'âme, il est hors de question qu'ils deviennent officiellement protestants. Plutôt que de se placer dans un cadre institutionnel favorable à l'expression de leur foi, ils préfèrent râler contre l'Église catholique.

L'appartenance religieuse est faite d'attachements irrationnels.

Les critiques publiées par ce site sont dépassées et désuètes. L'Église a beaucoup changé et n'est plus celle de grand-papa.

C'est faux. L'Église n'a que peu changé par rapport aux profondes transformations de la société, et la petite évolution qu'elle a faite est essentiellement le fruit de l'influence de la modernité laïque. C'est la société qui n'est plus celle de grand-papa.

Nous assistons à une sorte de rébellion de la population catholique occidentale contre l'autorité religieuse. Le catholicisme réel s'est vidé de son contenu confessionnel pour ne retenir que quelques conventions sociales qui se manifestent aux baptêmes, mariages et enterrements. Les chrétiens font de la résistance passive en évitant de se soumettre à un endoctrinement systématique. La situation a évolué parce que la société s'est rendue indépendante de l'Église, mais cette dernière est conservatrice et n'a pas changé de nature. Contrairement aux fidèles, le Vatican campe sur ses dogmes. Ce sont des mouvements politiques se réclamant des droits de l'Homme qui ont exigé l'abandon du cléricalisme et la fin de la protection des pédophiles. Celui qui déclare «Maintenant, ce n'est plus comme avant» insinue qu'il faut pardonner à l'Église et lui attribuer des mérites qui devraient revenir à ceux qui ont résisté à l'endoctrinement religieux.

Si la situation s'est améliorée, le mérite n'en revient pas à l'Église, mais à la sécularisation de la société.

L'évolution rapide de la culture occidentale s'apparente à une révolution durant laquelle les fondations religieuses sont progressivement remplacées par des fondements laïques: l'appel aux droits humains au lieu de références à la morale religieuse, la liberté et la démocratie au lieu de l'obéissance aux autorités civiles et religieuses, l'égalité des sexes au lieu de la soumission traditionnelle au père de famille, etc. D'une certaine manière, les événements de mai 1968 sont une réactivation des idéaux de la révolution de 1789.

Je parle de la manière dont l'Église a empoisonné l'occident durant plus de 1400 ans, y compris chez nous assez récemment. J'ai été blessé par l'endoctrinement religieux des écoles publiques que j'ai fréquentées, car elles s'étaient fixées la mission de sauver le catholicisme à travers leurs élèves. Dire que la critique de l'Église est déplacée et désuète signifie que je critique trop tard ou que je suis né trop tôt. Excusez-moi de parler de ma vie plutôt que de celle de mes enfants. C'est une manière masquer la responsabilité l'Église en culpabilisant la critique, c'est botter en touche afin d'éviter de porter le regard sur l'histoire peu glorieuse de l'Église et de prendre conscience du discrédit qui s'y rapporte.

Une attitude répandue consiste à penser que, la situation s'étant nettement améliorée, on peut maintenant s'en satisfaire. Je ne suis pas de cet avis. D’une part, c’est reconnaître qu’il y a eu des périodes durant lesquelles on ne pouvait pas faire confiance à l’Église, ce qui peut se reproduire dans le futur. D’autre part, cela signifie « à partir de maintenant, ça ira mieux », ce qui n’est qu’un espoir. En se tenant plus proche des faits, la situation est simplement devenue moins inacceptable, et l'amélioration doit être poursuivie. On ne peut pas allégrement et en toute impunité tirer un trait sur le passé pour la seule raison qu'il présente le visage du discrédit de l'Église. Une mémoire courte n'apporte qu'un bien faible soutien à une idéologie partiale.

Pour prouver que l'Église se comporte bien, je réclame une période probatoire qui, au regard de 1400 ans de dérapages, ne peut être que longue. Qu'elle se mette dès aujourd'hui à respecter intégralement les droits humains : l'égalité entre hommes et femmes dans l'Église, la non discrimination des homosexuels, la séparation complète de l'Église et de l'État, l'abolition de la peine de mort. Il reste encore un long chemin à parcourir. En attendant, je ne peux pas accorder du crédit à l'Église : tant qu'elle soutient des archaïsmes, elle demeure anachronique.

Dans vos propos coule le venin du règlement de comptes

À mon égard, il n'est pas exagéré de parler de lavage de cerveau (voir Le cléricalisme, plus jamais ça !) et de privation de liberté religieuse (voir Cléricalisme et laïcité dans le canton de Fribourg).

C'est pourquoi votre manière d'aborder la question a pour effet d'inverser les rôles et de faire de l'Église une victime, ce qui est contraire à la vérité. Je ne souhaite pas me venger, mais faire apparaître les tords causés, et si possible les faire reconnaître. J'aurais pu, en effet, adopter une autre attitude, par exemple «Ferme ta gueule et laisse agir ceux qui pensent pour toi !», mais je préfère militer pour que se mette en place un cadre juridique qui rende impossible le retour de ces temps noirs.

Vous exagérez, vous êtes trop excessif !

Souvent, l'écrivain aborde les choses indirectement, par des allégories, en laissant au lecteur une large part d'interprétation. L'écrivain suggère, fait rêver, ce qui permet au lecteur de trouver une complicité. Je ne suis pas écrivain, mais professeur de mathématiques, et je m'efforce de m'exprimer le plus directement possible, en étant explicite et frontal, en ne diluant pas mon propos, en évitant l'ambiguïté et les sous-entendus, sans autre prétention littéraire que celle d'être clair, sans souci de plaire, mais en conservant intact le désir de convaincre.

Celui qui cherche la vérité ne peut pas tenir un discours aussi flatteur que celui qui cherche à plaire. Je m'adresse à ceux qui sont sensibles à la raison et qui font passer les arguments avant les émotions et les mouvements affectifs. Si mes propos sont moins mielleux que ceux des charlatans en matière religieuse, je n'ai pas à m'en excuser.

Alors que je ne suis qu'un individu au rôle social modeste, les exagérations et les excès de l'Église s'exercent à l'échelle planétaire, ont duré des siècles et ne se sont pas éteints aujourd'hui. Je m'associe à votre démarche pour condamner fermement les exagérations et les excès.

Au delà du désamour pour les Églises

Pour commenter la déchristianisation de notre société, le désamour pour les Églises chrétiennes est souvent mentionné. Je suis d’avis que le désenchantement est bien plus profond.

Pour être prise en considération, une idéologie ou une religion doit satisfaire au moins les trois conditions suivantes : être en accord avec les faits établis, être cohérente et respecter les Droits humains. Qu’en est-il du christianisme ?

Pour l’exigence d’être en accord avec le monde réel, la Bible, particulièrement la Genèse, est en profonde contradiction avec l’histoire, qu’il s’agisse de celle de l’univers, de la terre, de la vie et de l’homme.

Pour l’exigence de cohérence interne, le christianisme contient des contradictions majeures. Par exemple, la damnation et l’Enfer sont incompatibles avec le précepte de pardonner à ses ennemis. En effet, Dieu sanctionne de peines éternelles, donc disproportionnées. Surtout, il demande de pardonner à ses ennemis, mais ne pardonne pas à tous. D’autres incohérences peuvent être signalées, comme le verset homophobe «Le Lévitique 20,13».

Pour la troisième exigence, si l’Église catholique dit accepter les Droits humains, elle n’en respecte pas l’esprit. Par exemple, elle refuse aux femmes une égalité étendue jusqu’aux fonctions sacerdotales.

Ainsi, les motifs de rejeter le christianisme dépassent largement le simple désamour pour les institutions et touchent le cœur même de la foi.

Résister à l'endoctrinement religieux

  • pas seulement dans les milieux musulmans,
  • pas seulement à l'étranger,
  • pas seulement contre les extrémistes de tous bords,
  • pas seulement à celui des sectes,

mais aussi chez nous, en opposition au christianisme !

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