Résister à l'enseignement de l'Église :
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En Europe occidentale, nous observons que les religions séculaires s'effritent tandis que d'autres s'infiltrent. Assurément, nous sommes loin d'en avoir fini avec les zélateurs de la Vraie Foi Révélée qui présente la bizarrerie d'être plurielle. Il s'en dégage l'image d'un Dieu qui se cache, délivre des messages contradictoires et présente un trouble dissociatif de l'identité. La diversité des croyances révèle qu'elles sont des constructions culturelles dépourvues de fondements objectifs. Il n'est pas raisonnable d'obéir aux propagandistes d'un Dieu si mal défini. Pourquoi l'homme s'accroche-t-il à des croyances dites sur l'au-delà, mais qui sont en fait au-delà de toute vraisemblance ? La réponse est - ô révélation - à situer entre nos deux oreilles. La religion est un effet secondaire de l’illusion de se croire immortel. Se contenter d'arguments d'autorité est une capitulation de l'esprit. La religion ne permet pas d'accéder à la paix intérieure, car elle développe une rhétorique d'intimidation qui met le fidèle sous pression et exige de lui toujours plus, sans fin. Celui qui ne met pas en place une défense se fait phagocyter. Méfions-nous d'une religion qui sanctifie la soumission et l'obéissance : croire rend captif ! Résister un peu pour éviter la dérive extrémiste ne suffit pas ; il est nécessaire de résister fermement pour éviter l'engrenage de l’emprise. L’enseignement religieuxL'enseignement religieux consiste à dramatiser l'existence : l’œil de Dieu qui nous observe, le péché, le Jugement dernier, l'Enfer, la vie éternelle, etc. Le but est d'enfermer l'esprit dans un système de pensée qui accorde à l'Église du pouvoir sur votre conscience. Ne serait-il pas préférable de dédramatiser l'existence ? Il vaut mieux développer la créativité et l'esprit critique plutôt que la fidélité à une religion ou une tradition. Les miraclesToutes les religions sont fondées sur des miracles. En se basant sur la preuve par les miracles, toutes les religions disent vrai. Faudrait-il donc toutes les pratiquer ? Il semblerait que les miracles soient bien plus répandus que l'esprit critique ! Être modéré en religionIl est communément admis que, en matière religieuse, il faut absolument éviter de se radicaliser, d'être extrémiste. Donc, il faut rester modéré, se fixer des barrières à ne pas dépasser. Cela implique de prendre de la distance par rapport à la religion, d'émettre des jugements critiques, de refuser d'appliquer littéralement certains textes sacrés, bref de développer une capacité d'indépendance capable de tenir tête à la facilité de l'obéissance servile. Il serait fort imprudent se lancer en religion sans retenue et sans être doté de moyens de freinage. Quelles sont ces limites et comment les définir ? Puisqu'elles ne peuvent pas se fonder sur des valeurs religieuses, ce sont forcément des valeurs humaines. Le bon sens et l'empathie sont respectables, mais leurs contours sont trop flous et mal définis pour constituer une référence fiable. Il n’y a qu'une barrière à opposer aux dérives religieuses : le respect des droits humains. Les valeurs religieuses ne sont donc ni absolues et ni fondamentales. Elles ne peuvent s'exercer que dans un cadre laïque qui l'englobe et lui est supérieur. En fait, notre culture n'est que partiellement fondée sur des valeurs religieuses puisées dans l'Antiquité. Plus essentiellement, elle est basée sur les valeurs laïques apparues au XVIIIe siècle telles que les droits humains et la démocratie moderne. C'est curieux : les croyants affirment généralement se situer très loin de l'extrémisme, car on peut toujours trouver pire. Cependant, les religions enseignent qu'il faut s'extraire de la mollesse et manifester plus d'engagement dans la foi, bref qu'il est mal de se complaire dans la modération. « Aussi longtemps que nous acceptons le principe que la foi religieuse doit être respectée simplement parce que c'est la foi religieuse, il est difficile de refuser ce respect à la foi d'Ousama ben Laden et des auteurs d'attentats suicides. L'alternative, si évidente qu'il est inutile d'en souligner l'urgence, est d'abandonner le principe du respect automatique de la foi religieuse. C'est une raison pour laquelle je fais l'impossible pour mettre les gens en garde contre la foi elle-même, et pas seulement contre la prétendue foi "extrémiste". S'ils ne sont pas extrémistes en soi, les enseignements de la religion "modérée" sont une invitation ouverte à l'extrémisme. »
Quelles valeurs opposer à la barbarie ?Comment l'Église, qui a organisé plusieurs croisades contre les musulmans, pourrait-elle condamner les guerres offensives ? Comment peut-elle prêcher la tolérance, alors qu'elle a pratiqué une répression impitoyable par l'Inquisition ? Cette attitude s'appelle « Faites ce que je dis, mais pas ce que j'ai fait. » Les lacunes éthiques sont abyssales. Le crédit de l'Église repose sur l'amnésie sélective. La question du fondement des valeurs est cruciale. Par exemple, quelles valeurs opposer à l'esclavagisme ? La question se pose à propos de certains mouvements islamistes radicaux. Attendu que l'Église catholique a, dans un but expansionniste, durablement soutenu l'esclavage et accompagné les esclavagistes, les valeurs chrétiennes sont inopérantes dans ce contexte. Il est nécessaire de faire appel à des valeurs laïques comme les droits humains. Les valeurs religieuses doivent impérativement être subordonnées aux valeurs laïques. On peut même avantageusement s'en passer. Le fondement des valeurs du monde occidental est moins dans le christianisme, comme le prétend la propagande chrétienne, que dans les valeurs héritées du siècle des Lumières et développées depuis lors : les droits humains, la démocratie, la liberté individuelle, l'état de droit, la séparation de la sphère étatique des sphères religieuses, la confiance en la raison, l'école obligatoire pour tous, l'égalité des sexes, la liberté d'expression, etc. Plus que toutes les autres valeurs culturelles ou religieuses, ces valeurs laïques sont à la source du succès de la civilisation occidentale. Le message divin est cacophoniqueAujourd’hui, un tiers de la population mondiale se rattache au christianisme à des degrés divers. Pour une intervention divine aussi majeure que la venue du Christ, après 2000 ans d’efforts intenses comprenant les croisades, l’inquisition, les guerres de religion, la colonisation et d’innombrables conversions obtenues par la force, le résultat est décevant. Du point de vue de ceux qui croient à la Vérité, les deux tiers des humains restent dans l’ignorance ou l’erreur. De plus, les chrétiens sont divisés, sans parler du degré de foi de chacun. La Providence et le marketing céleste sont à la peine. Dans la cacophonie des croyances, aucune religion ne prend l’ascendant et ne parvient à s’imposer par l’évidence de son ancrage divin. On pourrait juger la Révélation comme un ratage partiel. Cependant, en la considérant comme une fable d’origine humaine, l'impossible établissement d'une foi unique est mieux expliqué. Il n’y a pas de quoi s’en plaindre, car le sens de la vie, le même pour tous et dicté par une religion, n’est guère attractif. Le problème n’est pas l’homosexualité, mais la BibleEn 2015, l'évêque de Coire Mgr Vitus Huonder, lors d'un colloque catholique à Fulda, a lu et commenté ce verset : L'homme qui couche avec un homme comme on couche avec une femme : c'est une abomination qu'ils ont tous deux commise, ils devront mourir, leur sang retombera sur eux.
Comme ce propos contrevient à l'article 259 du Code pénal suisse qui condamne les incitations publiques au crime, une plainte pénale a été déposée. Mgr Huonder a été blanchi par la justice suisse, au motif que cet appel au meurtre ne doit pas être interprété comme devant être exécuté. Dit plus crûment, la Bible peut être prise plus ou moins au sérieux, mais pas vraiment. Le respect des personnes passe avant. L’Église n’a pas levé la condamnation de l’homosexualité, mais admet une certaine tolérance, un accueil qui se veut bienveillant envers des pécheurs impénitents. La Fédération des Églises protestantes de Suisse a ouvert la porte à l’introduction du mariage religieux pour les homosexuels. Elle admet ainsi officiellement que certains versets doivent être ignorés et que la Bible contient des incohérences. Or, à partir d’une contradiction, on peut déduire ce que l’on veut. On en voit d’ailleurs un effet : l’homosexualité pose encore problème chez les catholiques alors qu’elle est en voie d’être acceptée chez les protestants. Puisqu’on ne peut pas se fier à la Bible, on peut estimer qu’elle a été écrite sans intervention divine par des êtres humains pas toujours inspirés. L’homosexualité doit être acceptée comme un phénomène naturel sans motif de discrimination. Le problème est que la Bible prône l’intolérance. Une prise de distance par rapport à la religion permet de s’alléger d’un conflit moral illusoire. Cette rubrique a été publiée par la presse papier dans
L’enseignement de l’Église devient flouAujourd'hui, la religion est souvent envisagée comme une méthode de mieux-être. À ce titre, il est impératif qu'elle s'adapte aux besoins spirituels de ceux qui y font appel. Dans ce contexte, l'Autorité et la doctrine officielle sont des trouble-fêtes dont il est souhaitable de réduire les rôles. D'une part, l'Église officielle, définie par ses dogmes et son catéchisme, campe dans son conservatisme. À force d'avoir multiplié les proclamations de vérités immuables et de règles intangibles, elle s'est rigidifiée et volontairement privée de moyens pour s'adapter et évoluer. D'autre part, les réformistes, des plus modérés aux plus radicaux, forment une large constellation. La distinction entre croyants et incroyants est insuffisante : il y a tous ceux, et ils sont fort nombreux, qui ne croient que partiellement, beaucoup, moyennement ou seulement un peu. Les fidèles font leur marché, prennent ce qui leur plaît, l'amour et le paradis, et rejettent qui les rebute comme l’Enfer et la soumission à l'autorité pontificale. Qui reconnaît que manquer la messe et l'eucharistie dominicales est un péché mortel qui condamne à l'Enfer éternel ? Qui admet que, après un divorce, il est interdit de se remettre en couple ? Qui croit encore être né coupable et devoir être racheté ? Beaucoup de catholiques s'attachent à vider le péché de sa rigueur d'antan de manière que seuls les criminels soient menacés de l'Enfer, ce qui leur ouvre une voie sans entrave vers le bonheur éternel. C'est la démocratisation du paradis. Ce faisant, au nom du principe « Prendre à la lettre l'enseignement religieux officiel, c'est de l'intégrisme », ils refusent de croire que l'Église parle au nom de Dieu. Le sentiment religieux devient une technique de mieux-être. Les catholiques ont trouvé ce moyen pour se libérer de la férule du Vatican. À la manière des mythes, les religions sont perpétuellement réinterprétées. Leur signification actuelle n'est donc pas fixée. Elles s'adaptent aux aspirations de ceux qui y placent leurs espoirs. Ainsi, les références à la Bible, il y a quelques décennies, étaient différentes de celles d'aujourd'hui : étaient mis en évidence le péché, la tentation, le démon, la damnation et l’Enfer, alors que maintenant tous ces épouvantails ont été repoussés sur les bas côtés. La majorité des gens qui se disent catholiques ne sont en fait que des demi-catholiques, car, obéissant à leurs sentiments, ils préfèrent occulter une grande partie du corpus catéchétique. L'Église est une institution schizophrène dont les ministres ne proclament plus que la partie la plus présentable de la doctrine. Certaines personnes mènent, avec l'Église, une querelle d'amoureux égocentriques : chacune exige, par des reproches très durs, que l'autre change, sans se remettre en question, ni songer à une séparation. Beaucoup prennent de la distance, selon des modalités les plus diverses, mais sans rompre. Néanmoins, un nombre grandissant de personnes vont plus loin encore et quittent le troupeau. Les attitudes religieuses variées qui en résultent diffèrent tellement du catholicisme romain qu'il faudrait leur attribuer de nouvelles dénominations. Assistons-nous à l'émergence de nouvelles religions édulcorées ? Dans l'une, seuls les actes comptent, et l'Église ne joue qu'un rôle facultatif. Dans une autre, celle de l'Amour, le péché et l'Enfer ont été exclus ; puisque nous serons presque tous sauvés, les pratiques religieuses sont facultatives. La mise à l’écart de la morale de rétribution sape un fondement essentiel de la religion. Le clergé participe à cet adoucissement. Pourquoi adhérer au christianisme si cela est sans effet sur notre avenir dans l’au-delà ? L'Église a vu son pouvoir fortement s'altérer. Cependant, le label catholique demeure un talisman apprécié, car il ouvre la porte aux services de l'Église tels que les mariages et les enterrements dont on apprécie l'ancrage social. Les catholiques, même pratiquants, sont de plus en plus nombreux à être hétérodoxes. Il en résulte une séparation entre les aspects culturels et les aspects proprement religieux du christianisme, d'où l'apparition d'une sorte de religion séculière insubordonnée à l'autorité romaine. La doctrine officielle du Vatican n'a pas changé, mais elle n'est plus suivie ; c'est pourquoi l'Église ne culpabilise plus comme autrefois. Ces bouleversements montrent que l'évolution de la société transforme les mouvements religieux. Le catholicisme est une construction humaine sur laquelle il est difficile de voir le souffle de l'Esprit-Saint ! L'Église a-t-elle beaucoup changé ?L'Église n'a que peu changé par rapport aux profondes mutations de la société, et la petite évolution qu'elle a faite est essentiellement le fruit de l'influence de la modernité laïque. Ce sont des mouvements politiques se réclamant des droits humains qui ont exigé l'abandon du cléricalisme et la fin de la protection des pédophiles. Celui qui déclare « Maintenant, ce n'est plus comme avant » insinue qu'il faut pardonner à l'Église et lui attribuer des mérites qui devraient revenir à ceux qui ont résisté à l'endoctrinement religieux. Si la situation s'est améliorée, le mérite n'en revient pas à l'Église, mais à la sécularisation de la société. L'évolution rapide de la culture occidentale s'apparente à une révolution durant laquelle les fondations religieuses sont progressivement remplacées par des fondements laïques : l'appel aux droits humains au lieu de références à la morale religieuse, la liberté et la démocratie au lieu de l'obéissance aux autorités civiles et religieuses, l'égalité des sexes au lieu de la soumission traditionnelle au père de famille, etc. D'une certaine manière, les évènements de mai 1968 sont une réactivation des idéaux de la révolution de 1789. Une attitude répandue consiste à penser que, la situation s'étant nettement améliorée, on peut maintenant s'en satisfaire. D’une part, c’est reconnaître qu’il y a eu des périodes durant lesquelles on ne pouvait pas faire confiance à l’Église, ce qui peut se reproduire dans le futur. D’autre part, cela signifie « à partir de maintenant, ça ira mieux », ce qui n’est qu’un espoir. En se tenant plus proche des faits, la situation est simplement devenue moins inacceptable, et l'amélioration doit être poursuivie. On ne peut pas allégrement et en toute impunité tirer un trait sur le passé pour la seule raison qu'il présente le visage du discrédit de l'Église. Une mémoire courte n'apporte qu'un bien faible soutien à une idéologie partiale. Pour prouver que l'Église se comporte bien, qu'elle se mette dès aujourd'hui à respecter intégralement les droits humains : l'égalité entre hommes et femmes dans l'Église, la non discrimination des homosexuels, la séparation complète de l'Église et de l'État, l'abolition de la peine de mort. Tant qu'elle soutient des archaïsmes, elle demeure anachronique. Il reste encore un long chemin à parcourir. Pour effacer le discrédit, qu’elle se soumette à une période probatoire qui ne peut être que longue au regard de nombreux siècles de dérapages. La spiritualitéLa spiritualité est une attitude qui tend à nous mettre en harmonie avec nous-même, avec les autres et avec l'environnement. Elle opère par l'introspection afin qu'elle nous renvoie une incitation à nous améliorer. Elle s'inscrit dans la recherche du mieux être et, si possible, du bonheur. Contrairement à ce que le christianisme nous enseigne, la croyance en Dieu n'est qu'une manière, parmi d'autres, de pratiquer la spiritualité. L'examen de conscience paraît être un moyen de progresser, mais, mesuré à l'aune des exigences religieuses, il tend à développer des sentiments de culpabilité et à renforcer une sensation de malaise, ce qui montre que la doctrine religieuse est toxique et qu'il nous faut s’en libérer. En nous abreuvant de prières et d'examens de conscience, l’Église nous retire toute sensation d'harmonie. La notion de péché n’est pas la plus pertinente pour guider notre vie, car il y a généralement plus à regretter parmi les actions que l'on n'a pas entreprises que de contrition à présenter pour des actes inappropriés. L'examen de conscience devrait être plus constructif et porter prioritairement sur ce qu'il est souhaitable d'entreprendre, mais il faut pour cela avoir un projet de vie. La divagation mystique est un exercice jouissif, mais trop subjectif pour être généralisé. La spiritualité fondée sur l'émotion est chimérique, alors que l'éveil à la raison est sage et libérateur. Malheureusement, les personnes qui parlent de spiritualité ont souvent pour but de faire partager leur foi. Que les croyants pratiquent la spiritualité qu'ils veulent, mais qu'ils comprennent que d'autres chemins existent. La spiritualité bouddhique ne se réfère à aucune divinité, ce qui montre que la spiritualité peut être laïque. Par nature, elle ne peut être que personnelle et subjective. Elle consiste à remplacer les angoisses et les émotions négatives par les lumières de la raison et à se mettre en accord avec soi-même pour affronter la vie et la mort avec sérénité. L'athéisme offre une bonne voie pour pratiquer une méditation laïque qui inclut des préoccupations philosophiques, religieuses, morales, politiques et historiques. Réfléchir à la place de l'homme dans l'univers, tracer une frontière entre l'utopie et le réel, œuvrer à se détacher des croyances infondées, se construire une représentation cohérente du monde et mettre de l'harmonie dans nos désirs, c'est encore de la spiritualité. Il ne faut pas rétrécir le champ de vision en déclarant que les spiritualités hors des religions ne méritent pas le nom de spiritualité. L'objet central de la spiritualité est la pleine acceptation que rien en nous n'est assurément immortel. Vu la culture religieuse dans laquelle nous baignons, le travail à faire sur soi est gigantesque. La prièreLa prière consiste à confier une tâche à « Quelqu'un qui gère » - un super-sous-traitant des problèmes - ce qui procure un sentiment de soulagement et d'apaisement. Cependant, comme le remarque justement le proverbe « Aide-toi et le Ciel t'aidera », il est plus efficace de gérer soi-même les problèmes en prenant les mesures appropriées. Dans une reformulation plus laïque, il faut prendre le temps d'organiser sa vie, ce qui apporte aussi - plus constructivement que la prière - soulagement et apaisement. Et surtout, le taux de réussite est meilleur. L'héritage chrétienLa diversité religieuse de la Suisse ne permet pas d'utiliser la religion comme facteur d'identité. Le christianisme a été largement amendé par des valeurs laïques telles que la démocratie et les droits humains. L’ancrage de l’identité a renouvelé sa source dans le siècle des Lumières et est largement laïque. C'est aussi à cette période que, le carcan sur la culture imposé par l'Église s'étant quelque peu desserré, les fondements des sciences qui caractérisent notre culture occidentale ont pu progressivement se mettre en place dans leurs acceptions modernes : physique, chimie, biologie, médecine, ... La liberté de pensée permet le foisonnement culturel et favorise le développement. À contrario, le catholicisme craignait l'industrialisation qui soustrait l'ouvrier à l'influence du curé du village et l'expose au socialisme des milieux urbains. Afin de conserver son identité religieuse, l'État avait le devoir de se protéger au moyen du cléricalisme. La population est traitée comme un troupeau devant être conduit par le bon pasteur. Celui qui se trouve à proximité de plusieurs fontaines peut choisir la source où s'abreuver. Si l'identité est en rapport avec la société à laquelle on désire fièrement appartenir, alors l’aspiration à l'identité chrétienne est en déclin. Certes, l'héritage chrétien fait partie de notre histoire, mais n’est plus caractéristique de notre identité. Une partie de la population suisse se réclame du christianisme tout en ne le pratiquant pas. Dans le fait que l'étiquette ne correspond pas au contenu, on peut voir une analogie avec la politique aux Royaume Uni : l'attachement à la royauté est plébiscité, mais c'est quand même la démocratie sous une forme moderne qui est pratiquée. Pour beaucoup de gens, les religions chrétiennes sont des coquilles vides que l'on peut décorer. La traditionLa tradition nous permet de participer à la sagesse de nos ancêtres. Si la tradition est une valeur primordiale, alors les chrétiens on eu tord de se séparer de la tradition judaïque, et ils seraient bien avisés de se convertir au judaïsme. Il ne faut pas s’arrêter à cette vison étriquée et à courte vue de la tradition. En poussant l’idée plus loin encore, il s'agit de retrouver la vraie tradition, celle des chasseurs-cueilleurs, que nous avons malheureusement perdue, mais que les paléontologues pourraient tenter de reconstituer. Malheureusement, le rôle de la religion dans l'histoire donne de nos ancêtres une image qui est loin d'illustrer leur sagesse. Aussi, rien ne nous assure que des ancêtres plus lointains aient été plus avisés. Les traditions évoluent, puis se perdent. Si la tradition témoigne de ce qui est permanent dans les croyances humaines, alors elle n'opère que durant des périodes limitées dans le temps. Puisqu'elle se renouvelle périodiquement, la tradition n'est qu'un mirage. Pour croire qu'une tradition représente une vérité immuable, il faut la déclarer comme une exception et refuser de saisir l'enseignement de l'histoire et des sciences. Nous savons déjà que les civilisations sont mortelles, mais les croyants ont beaucoup de peine à accepter que, tôt ou tard, chaque religion est appelée à évoluer, à être remplacée et à disparaître. Au-delà de la religion, il y a les traditions. Malheureusement, c'est au nom des traditions que beaucoup d'africaines sont excisées ! Avant d'être acceptée et suivie, toute tradition doit passer sous le joug de la raison et des droits humains. L'héritage culturel et religieuxÀ voir comment l'Église a réagi à propos de Galilée, de Darwin et de la pilule contraceptive, il lui sera nécessaire d'avoir l'esprit bien plus ouvert pour accueillir de nouvelles découvertes scientifiques. Les pratiques religieuses nous ont laissé de grands monuments : les pyramides égyptiennes, les temples grecs et romains, les cathédrales chrétiennes, etc. Puisqu'il paraissait impossible que de si gigantesques efforts aient été fournis en vain, ce qui a été réalisé devait nécessairement correspondre à une réalité. La démesure impressionne et convainc. Plus on était croyant et mégalomane, plus on donnait corps à la vérité. À contrario, comme les Encyclopédistes nous l'ont montré, le développement et le grand enrichissement de la culture durant le XVIIIe siècle sont, dans leur démarche, liés à la mise à l'écart des religions. Les plus vieilles racines ne sont pas forcément les plus vigoureuses. Depuis plus de deux siècles, notre civilisation occidentale s'est développée par le dépassement du judéo-christianisme. Notre héritage culturel comporte de beaux joyaux tels que les droits humains, la démocratie, le bien commun, les arts, les sciences, etc. Ces dernières ont introduit dans la culture l'idée de mettre à l'épreuve les fondements de la connaissance pour tester leur validité et rejeter sans état d'âme tous les éléments qui ne résistent pas à la critique. Parallèlement, de nouvelles hypothèses peuvent être envisagées comme autant de pistes à explorer. Selon cette attitude, le plus important est de rester exigeant et ouvert. Le port de lunettes doctrinales réduit le champ de vision. Les croyances sont des obstacles à la connaissance objective. Par exemple, au XIXe siècle, le croyant fidèle aux dogmes aurait été incapable de concevoir la théorie de l'évolution. Pire, il a consacré toutes ses forces à la combattre. C'est pourquoi la religion n'est indispensable qu'à ceux qui ont décidé de tout subordonner à leur foi. Malgré la pléthore de valeurs confessionnelles, le monde manque d'engagement pour les valeurs universelles. La culture laïque devrait être soutenue avec plus d’engagement par les esprits éclairés. Le communautarisme religieuxLa tendance des sociétés primitives à se regrouper en clans se maintient aujourd'hui en prenant la forme du communautarisme. Il s'agit de cultiver des sentiments d'appartenance à des communautés ethniques, culturelles, politiques ou religieuses en traçant une frontière nette entre les membres - « ceux qui sont des nôtres » - et les autres. Cet état d'esprit est cultivé par les religions. La loyauté et la fidélité à la communauté sont des vertus cardinales selon lesquelles, si l'on est né dans la communauté, ce serait une trahison que de s'en éloigner. Une caractéristique de la culture clanique est de brider la liberté individuelle au profit de l'intérêt supérieur de la communauté. Les relations à privilégier sont celles entre les membres de la communauté, les autres devant être réduites au nécessaire et à l'utile. Un exemple parmi d'autres : le mariage inter-religieux est jugé comme un gâchis à éviter. Lorsque la communauté est religieuse, elle est généralement porteuse d’exclusion. L'esprit communautariste tend à déboucher sur un parti-pris : « Tous les être humains sont égaux, particulièrement ceux qui sont comme nous, tandis que les autres sont dans un état d’égalité plus discutable puisqu’ils apportent des influences néfastes. Mais justice sera faite : ils risquent d’être damnés tandis que nous serons sauvés. ». C’est en portant un jugement méprisant sur les autres qu’il devient légitime de leur nuire. Lorsque l’État accorde des privilèges à certaines communautés religieuses, ceux qui ne relèvent d’aucune d’entre elles se sentent discriminés. Il vaudrait mieux que l’État se tienne à l’écart des religions et promeuve l’universalisme. Pour qui est attaché aux droits humains, il n’existe qu’une seule communauté au sens fort, celle des humains. Un catholique qui proteste n'est pas un protestantBeaucoup de catholiques sont à la fois croyants et très critiques vis-à-vis de la hiérarchie. Ils ne craignent pas d’opposer leur conscience morale à l'enseignement de l'Église. Il en est beaucoup qui sont protestants dans l'âme, mais il est hors de question de devenir officiellement protestant. Plutôt que de se placer dans un cadre institutionnel favorable à l'expression de leur foi, ils préfèrent râler contre la hiérarchie de l'Église catholique. On ne trahit pas le clan dans lequel on est né. |
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