Libres propos

Texte en ligne de Michel Bavaud, Treyvaux

Je relis le Testament posthume de l’abbé Jean Meslier (1664-1729), l’humble et courageux curé–philosophe desservant de la minuscule église du tout petit village d’Etrépigny, dans les Ardennes. Il n’est pas historien, mais connaisseur des Ecritures et de leurs contradictions. Un curé athée qui osait tenir tête au nobliau du coin et enseignait à ses paroissiens leur dignité d’êtres humains. Le clergé d’alors leur ordonnait d’obéir à toute autorité et de se résigner à leur misère terrestre pour mériter leur salut éternel … Son plaidoyer d’humanité bienveillante s’étend aussi sur le sort des animaux. Merveilleux texte que tous les antispécistes d’aujourd’hui pourraient signer.

Son rejet violent des pseudo-révélations de la Bible rejoint trois siècles plus tard la « Critique et analyse textuelle sans concessions d’un rescapé de la Torah » de Yaacov Levy. Son érudition sur les multiples systèmes anciens d’écriture précédant l’hébreu biblique comme sa connaissance des nombreuses découvertes historiques et archéologiques modernes lui permettent de détricoter tous les mythes de ses croyances antérieures. Un excellent humour juif assaisonne ses propos savants et aère leur lecture parfois ardue.

Je découvre aussi le livre de Roger Sougnez (« De la prêtrise à l’abandon des doctrines », 2018) qui, en moins révolté que Meslier, mais tout autant percutant, lui ressemble.

Combien y a-t-il aujourd’hui de prêtres, de pasteurs, de rabbins, d’imams athées ou agnostiques qui continuent à aider leurs auditeurs à grandir sans oser avouer leur scepticisme, par nécessité financière vis-à-vis de leur employeur, par crainte de scandaliser ou par peur du rejet de leurs amis et connaissances ? Il y en a probablement d’autres qui utilisent ce camouflage pour accéder au statut social d’un prédicateur et à sa notoriété dans le cercle de ses fidèles ou à dissimuler leur immoralité. Maciel, le fondateur des Légionnaires du Christ en est la scandaleuse illustration, ayant réussi à se faire encourager par Jean-Paul II. Est-il encore permis d’espérer l’humanisme universel (pléonasme ?) sans toutes les religions multicolores qui le freinent par leurs superstitions ?

Michel Bavaud

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