Texte en ligne de Michel Bavaud

Jugement dernier

On m’a appris à lire et j’ai lu dans un Livre attribué à une certain Matthieu dans son chapitre 23 qu’à la fin des Temps, il y aura un jugement dernier où il est écrit :

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ’Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! (...) ’Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’

J’ai cru longtemps que c’était vrai, mais quand j’ai compris que le grand frère tout-puissant du ciel n’a jamais donné à manger à ses milliards de petits frères qui sont morts de faim, n’a jamais donné à boire à ceux qui avaient soif de justice et de respect, n’a jamais accueilli d’étrangers, n’a jamais visité de prisons et d’hôpitaux, n’a jamais vêtu ceux qui sont morts de froid, j’ai compris que j’avais le devoir de juger cet égoïste impassible et de le condamner à la mort éternelle. Quand je l’ai prié, il n’a jamais répondu, quand je l’ai supplié d’ouvrir, il a fait silence, quand je l’ai cherché avec assiduité, je ne l’ai jamais trouvé malgré toutes les promesses qu’il a faites dans ses discours lénifiants. Pire qu’un politicien en campagne électorale : mensonges à gogo, tromperies pour les gogos. Je fus longtemps en colère, puis j’ai éclaté de rire en comprenant bien trop tard qu’il n’était qu’un personnage de contes orientaux, ou un Saint-Nicolas de légende travesti souvent en Père Noël par Coca-Cola.

13 juin 2015

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